Face au terrorisme, soutenir la Turquie d’Erdogan

mercredi, 17 février 2016 21:20

erdoganLa situation au nord de la Syrie est dramatique et nous devons en prendre l’authentique mesure. Que se passe-t-il ? Depuis quelques semaines, l’armée russe bombarde avec une violence inouïe les forces rebelles dans la région d’Alep. Le but de cette offensive est de casser les reins de l’opposition en redonnant à Bashar al-Assad une position de force sur le plan international.

Sur le terrain, les bombardements russes sont soutenus au sol par l’avancée de milliers de miliciens chiites iraniens, irakiens, afghans et libanais. A court terme, l’objectif de ces manœuvres est d’encercler Alep pour mieux l’anéantir ce qui sonnera le glas de la révolte syrienne entamée il y a cinq ans. Malgré la propension des médias du Kremiln (et de ses affidés) à l’enjoliver, la campagne meurtrière russe apparaît désormais sous son vrai visage ; alors qu’elle avait été initiée pour soi-disant lutter contre le terrorisme de l’Etat islamique (EI), elle a soigneusement épargné l’organisation terroriste pour mieux se fixer sur les forces rebelles et assurer ainsi la survie du régime de Damas.

L’agression russe est également appuyée par un troisième acteur représenté par les forces kurdes du PYD (Parti de l’union démocratique). Filiale syrienne du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) que de nombreux pays considèrent comme organisation terroriste, cette formation souhaite profiter du nouveau rapport de forces pour faire avancer ses intérêts. Présentes dans le nord-est et le nord-ouest de la Syrie, ces forces kurdes ne peuvent aujourd’hui faire leur « jonction » du fait de la présence d’un fragile couloir qui permet de maintenir sous perfusion la région d’Alep. Comme le montre la carte ci-dessous, c’est en effet par ce corridor encore aux mains de l’opposition que l’aide humanitaire et logistique passe pour soulager la grande ville du nord syrien. La perte de celui-ci constituerait une catastrophe pour des centaines de milliers de personnes qui seraient ainsi prises en étau. Démunie et abandonnée, la population civile d’Alep se prépare d’ailleurs à un long et douloureux siège.

cartealep

Dans cette mécanique mortifère, tous les coups sont permis. Les bombardements russes au phosphore blanc et l’emploi d’armes interdites comme celles à sous-munition qui visent indistinctement les infrastructures civiles (notamment les écoles et hôpitaux) sont destinés à terroriser la population pour la couper de l’opposition. Les forces kurdes profitent de ce contexte pour purifier ethniquement certaines zones afin de faciliter leur jonction. Constatant ces opérations, le spécialiste Thomas Pierret (l’un des meilleurs experts sur la Syrie) a récemment affirmé « La prise du corridor de A'zaz par les Kurdes du PYD est probablement la campagne de nettoyage éthique la plus largement acceptée (mondialement) de l'histoire récente.”

Face à cela, la Turquie a décidé de réagir. Portant déjà un lourd fardeau avec l’accueil de plus de 2,5 millions de réfugiés sur son sol, le pays se prépare à intervenir militairement pour créer une zone tampon qui permettrait d’assurer un minimum de sécurité à des dizaines de milliers de nouveaux réfugiés qui se massent à ses frontières. Observant le jeu particulièrement perfide des forces kurdes, l’armée turque a bombardé ces derniers jours des positions du PYD pour éviter que le corridor d’A’zaz ne tombe définitivement. Mise sous pression par une situation régionale où elle est dans le viseur de la Russie et soumise à une insurrection armée fomentée des groupes terroristes (dont le PKK) qui souhaitent la déstabiliser, la Turquie n’a d’autre choix que de réaffirmer son autorité et défendre ses intérêts.  Les récents discours tant du président Recep Tayeb Erdogan que de son premier ministre vont dans ce sens et nul doute que plus le temps avance, plus la pression risque de s’accentuer sur un pays dont il est bon de rappeler que sa position à l’égard des réfugiés syriens a été d'une grande noblesse.

La région, et plus généralement le monde, est potentiellement proche d’un embrasement. Face au carnage de la campagne russe qui a précipité l’exode de plusieurs dizaines de milliers de nouveaux réfugiés, certains pays comme l’Arabie Saoudite semblent également déterminés à intervenir militairement. Même si l’entrée en scène des Saoudiens (si elle se confirme car l’accord américain en est le préalable) visera d’abord à lutter contre Daesh, il n’est pas sûr que les forces spéciales turco-saoudiennes ne viennent pas croiser le fer avec les contingents iraniens qui sur le terrain protègent le boucher de Bashar. On en arriverait donc à un niveau de tensions extrême que rarement le Moyen-Orient a connu.

Face à cette montée des périls, il est utile de rappeler des évidences. Pays pivot, puissance économique, modèle d’intégration démocratique, la Turquie a malgré ses imperfections fait un considérable bond en avant ces quinze dernières années. Sous l’égide de l’actuel président Erdogan, elle a non seulement permis à sa population (dont la minorité kurde) de connaître un climat politico-social bien meilleur que celui des décennies précédentes mais elle a constamment soutenu les peuple syrien, égyptien et palestinien dans leur volonté d’émancipation. Certains souhaitent la fin de l’expérience du parti islamo-conservateur à Ankara et sont prêts à tout pour créer le chaos. Gageons que le peuple turc puisse dépasser ces noirs desseins et poursuivre sa marche vers davantage de démocratie, de prospérité et de stabilité.

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