Essam Ali al-Rawas, le vice-président de l'Autorité générale omanaise de l'Artisanat est l’un des responsables du Sultanat à être monté au créneau. Exprimant l’opinion d’une bonne part de la société civile, il a déclaré lors d’un entretien accordé à une station de radio locale que « les voisins d’Oman veulent venir à bout de sa patience à leur égard (…) Mais sa patience a des limites » en référence au comportement du voisin émirien jugé hostile par beaucoup. Et d’ajouter que « le sultan d'Oman, Qaboos Ibn Said, a en sa possession des documents compromettants qu’il est en mesure de révéler mais nous n’avons pas besoin de faire du vacarme, nous adoptons une tradition politique d’apaisement à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. » Ces déclarations ont largement été relayées sur les réseaux sociaux par des internautes qui dénoncent la désinvolture des Emirats arabes unis et son agression contre des éléments constitutifs de l'héritage national.
Preuve que la colère gronde jusqu’aux plus hauts sommets de l'Etat, plusieurs actions ont été prises par les autorités omanaises pour faire cesser les « provocations » émiriennes. Le secteur bancaire émirien a ainsi été frappé d’une sanction inédite qui aura certainement des conséquences sur les relations commerciales qu’entretiennent les deux pays. Le Conseil omanais de l'Autorité des marchés financiers vient en effet de décider d'annuler la première licence bancaire de Bank of Abu Dhabi.
Le secteur de l’enseignement n’a pas été épargné. Une commission chargée de reconnaître les équivalences entre institutions académiques étrangères et leurs consoeurs omananaises a décidé de ne plus reconnaître sur son site l’Université d’Abou Dhabi. Dans le même élan, le ministère de l'Education a ordonné aux étudiants omanais de ne pas s'inscrire aux programmes de cette université. La conséquence est que les diplômes émis par cet établissement ne sont plus reconnus à l’intérieur du Sultanat, ce qui illustre le degré de défiance entre les deux pays.
En revanche et comme pour mieux signifier le tropisme des autorités dans la crise régionale qui s’enlise, le Comité a décidé d'inclure l'université qatarienne Hamad bin Khalifa, l’une des plus importantes de l'émirat, dans sa liste des études recommandées et approuvés par le ministère de l’Education.
Les tensions entre le Sultanat d’Oman et les Emirats arabes unis ne datent pas d’hier ; elles trouvent en partie leur origine dans le démantèlement d'une cellule d'espionnage émirienne en 2011 et dont la cible visait directement le chef de l'Etat, le sultan Qaboos.
Plusieurs faiseurs d’opinion omanais accusent l'Arabie saoudite et Emirats arabes unis d'avoir comploté contre le Qatar pour monopoliser le pouvoir dans la région du Golfe, ce qui aurait pour effet de marginaliser les autres membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Beaucoup à Oman (et même au Koweït) redoutent en effet le scénario où, en cas de défaite du Qatar dans la crise, l'axe Abou-Dhabi/Riyad ne soit porté à tenter de soumettre l'ensemble de la péninsule à leur autorité.
Le sultanat d’Oman a toujours été soucieux de maintenir l’équilibre dans ses relations avec les pays du Golfe et l’Iran, ce qui lui a permis de jouer un rôle utile de médiateur dans les conflits régionaux. Cette stature s’est renforcée dans la crise avec le Qatar, Mascate décidant même de renforcer les relations avec Doha en dépit de l’appel à l’embargo du Quartet.
Et comme pour ne rien arranger, Riyad et Abou Dhabi ne voient pas d’un bon œil les relations cordiales qu'entretiennent les autorités omanaises avec Téhéran. Ils l’accusent notamment de laisser transiter sur son territoire les armes que l’Iran fournirait aux houthistes dans le conflit yéménite auquel Oman a décidé de se tenir à l’écart.