L’horizon du Qatar National Vision 2030
Selon ses promoteurs, le nouveau dispositif mettra l’accent « sur les opportunités d'investissement afin d'accélérer la croissance et promouvoir le développement durable ». C’est effectivement l’une des innovations de ce plan quinquennal : alors que le Qatar a souvent fait l’objet de critiques du fait de son triste record de pays le plus pollueur au monde par habitant, les autorités ont lancé ces dernières années un ambitieux programme destiné à réduire l’empreinte écologique de son activité industrielle.
Il est vrai que conformément aux objectifs du Qatar National Vision 2030, document phare qui guide l’action gouvernementale à moyen terme, le pays souhaite se joindre à la transition écologique dans laquelle se sont déjà engagées les économies développées. Dans un monde qui souhaite minimiser les émissions de gaz à effet de serre et dans un contexte général de lutte contre le réchauffement climatique, Doha ambitionne de se présenter comme un bon élève en matière de lutte contre le dérèglement du climat. Preuve de son volontarisme, le lancement de diverses initiatives industrielles et agricoles qui ont en commun une utilisation grandissante d’énergies renouvelables. De même, la recherche fondamentale est mise à contribution au sein du Qatar Scientific and Technologic Parc (QSTP), pépinière issue de la Qatar Foundation dont le but est de créer un environnement incitatif visant la synergie intersectorielle entre le tissu universitaire et les applications professionnelles. Comme pour bien signifier son engagement à prendre appui sur les acteurs économiques qui disposent d’expertise dans le domaine des énergies vertes, le Qatar s’est récemment attaché les services de SolarWorld, le fleuron allemand de la production des panneaux solaires. En grande difficulté, l’entreprise a l’an dernier été sauvée de la faillite grâce à une joint-venture pilotée par Qatar Solar Technologies. Coût de l’opération : 100 millions de dollars.
L’objectif d’un tourisme durable
Depuis plusieurs années, Doha tente en outre d’émerger comme une nouvelle plaque tournante de la réflexion en matière d’innovation écologique. En 2012, le pays a ainsi accueilli la COP 18 ou Conférence des Nations unies sur le réchauffement climatique. Plus récemment, l’émirat a été l’hôte du sommet annuel de l’Organisation mondiale du Tourisme (OMT). Organisé en septembre dernier, l’événement n’avait pas pour unique objectif de démontrer la capacité du pays à organiser de grandes conférences internationales malgré le blocus imposé par ses voisins. Placée sous le thème « Le tourisme durable : un instrument au service du développement », l’initiative devait aussi et surtout présenter les efforts du pays sur un créneau – la transformation écologique de son industrie touristique – dans lequel il était à la traine il y a peu. C’est d’ailleurs à cette occasion que le Premier ministre et ministre de l’Intérieur, cheikh Abdallah ben Nasser al-Thani a dévoilé les grandes lignes du plan du gouvernement destiné à doper la croissance du secteur touristique national.
Diversifier les zones géographiques
Autre reflet de cette stratégie marketing, l’idée d’identifier six zones géographiques pour en faire des vecteurs de promotion des différents horizons touristiques que recèle le pays. Par un intense travail de communication via notamment la compagnie nationale Qatar Airways, ces régions seront reliées à des thématiques diverses en fonction de leurs particularités et de leurs atouts. Des plages de sable fin dans un décor paradisiaque au site archéologique de Zubara en passant par les bivouacs dans le désert ou le traditionnel folklore bédouin, c’est toute une gamme de produits et services divers que le pays compte valoriser pour séduire les touristes à travers le globe. Pour monter en puissance, ce dispositif sera soutenu par un réseau mondial de bureaux de promotion touristique qui visera à élargir le calendrier des festivals et évènements touristiques organisés chaque année afin de susciter l’intérêt du reste du monde. Preuve en est, l’organisation au mois d’avril de la huitième édition du Qatar International Food Festival qui mettra cette année à l’honneur la richesse gastronomique des habitants du désert. Autre signe de l’intérêt porté à ce secteur : la mise à contribution des nouvelles stars du PSG comme en témoigne le déplacement abondamment médiatisé des joueurs à l’occasion du Qatar Winter Tour lors des vacances de Noël. Il y a quelques années déjà, l’icône Zlatan Ibrahimovic avait posé avec la tenue du club devant un décor fait de dunes de sables ce qui avait renforcé l’attractivité du pays, notamment auprès de la clientèle asiatique. On imagine que l’effet sera encore plus fort à l’avenir grâce à l’arrivée dans l’effectif du PSG du « top player » Neymar Junior qui compte des centaines de millions de followers sur les réseaux sociaux.
En terme de résultat, le plan du gouvernement vise un doublement du nombre de personnes visitant le Qatar à l’horizon 2023 avec un chiffre qui devrait approcher les 6 millions de personnes. Globalement, cela signifie que la contribution directe du tourisme doublera, passant de 19,8 milliards de Riyals qataris (QAR) en 2016 à 41,3 milliards en 2023, soit une part de 3,8% du PIB (contre 3,5% en 2016). Ambitieux, ces objectifs pourront certainement être atteints du fait de l’implication de l’appareil gouvernemental dont la décision rendue en août dernier de lever l’obligation de visa pour les visiteurs provenant de 80 pays relève de l’aubaine pour les professionnels du secteur. Avec ce programme, l'émirat confirme que le tourisme constitue un des piliers autour duquel son économie du futur doit graviter. Couplée à l’industrie du sport et à l’économie de la connaissance, l’activité du tourisme n’est en effet pas uniquement perçue sous l’œil d’un vecteur de promotion du pays à l’heure du soft power. Pour l’élite dirigeante, il s’agit aussi de propulser un nouveau secteur d’activités qui renforcera la stratégie de diversification économique. En 2030, ce dispositif doit théoriquement faire du Qatar un émirat prospère qui sera en partie sorti de la dépendance aux hydrocarbures qui caractérise aujourd’hui les systèmes rentiers des pétromonarchies du Golfe. Avec à terme, même s’il en est encore loin, un désir de concurrencer Dubaï comme nouveau pôle du tourisme régional ?
Cet article a initialement été publié sur le site économique La Tribune.