«La Kafala reposait sur une subordination de l'employé à l'employeur», décrit Nabil Ennasri, spécialiste du Moyen-Orient et directeur de l'Observatoire du Qatar. Elle stipulait que tous les travailleurs migrants devaient avoir un «parrain» local, individu ou entreprise, et obtenir une autorisation de sa part pour changer d'emploi ou quitter le pays. Pour les défenseurs des droits de l'homme, ce système rendait les 2,1 millions de travailleurs étrangers particulièrement vulnérables à toutes sortes d'abus.
En quoi consiste la nouvelle réforme? Un contrat de travail permet désormais à l'employé de passer par le ministère, et non plus par son employeur, lorsqu'il décide de changer de profession ou de quitter le pays. Il n'a, de fait, plus besoin de l'approbation de qui que ce soit. Par ailleurs, la loi prévoit que les employeurs qui confisquent les passeports de leurs employés puissent être contraints de payer une amende de 25.000 rials (6400 euros), contre 10.000 rials (2560 euros) sous le régime de la «Kafala». De plus, une commission d'appel a été mise en place pour les expatriés qui seraient éventuellement empêchés de partir.
«Le Qatar a besoin d'augmenter le nombre de contrôleurs»
Mais pour les associations, ce n'est pas suffisant. «La nouvelle loi aborde de manière très superficielle le problème de l'exploitation au travail. Des personnes travaillant entre autres en prévision de la Coupe du monde au Qatar continuent à être prises au piège par leur employeur», fustige Amnesty International dans un communiqué. Selon James Lynch, directeur adjoint du programme Thématiques mondiales à Amnesty International, «en pratique, les employeurs ont toujours le pouvoir d'empêcher les travailleurs migrants de quitter le pays. En facilitant la confiscation du passeport des travailleurs, la nouvelle loi pourrait même aggraver la situation pour certains employés.»
La question est de savoir si cette loi sera appliquée ou non. «Dans quelques mois, nous verrons la réalité des faits. Le Qatar a besoin d'augmenter le nombre de contrôleurs. Est-ce qu'il y aura suffisamment de surveillance? Les plaintes seront-elles prises en considération?», s'interroge le spécialiste.
Le Qatar a été poussé à instaurer une telle loi en raison de la pression internationale, et en particulier des associations. Il espère ainsi redorer son image, ternie par les conditions de travail des bâtisseurs immigrés de la Coupe du monde 2022. «Le Qatar sait qu'il ne peut être aussi restrictif que dans le passé. Sa volonté de diversifier son économie passe par un besoin de moderniser et de libéraliser son système politique» souligne Nabil Ennasri.
Source Le Figaro: http://www.lefigaro.fr/international/2016/12/13/01003-20161213ARTFIG00174-le-qatar-a-rapatrie-10000-travailleurs-etrangers-victimes-d-abus-dans-l-emirat.php