Le Qatar finance le terrorisme : vrai ou faux?

lundi, 26 janvier 2015 11:15

LorientDepuis quelques semaines, des rumeurs persistantes relayées par diverses personnalités politiques font état d'un financement supposé du Qatar aux groupes terroristes, en particulier l'Etat islamique. L'observatoire du Qatar vous propose de faire le point sur ces allégations en répondant aux cinq interrogations suivantes : 

1/ Est-ce que le Qatar finance l'organisation de l'Etat islamique (EI)? 

Non, et pour les raisons suivantes : 

 - Le Qatar fait partie de la coalition contre l'organisation de l'Etat islamique (EI). Le pays apporte un soutien logistique via la base américaine qu'il abrite sur son territoire. Cette base d’ « Al Odeid », située au sud de Doha, est le plus grand stock de l'armée américaine à l'étranger. A moins que l'émir soit schizophrénique, il serait donc difficile de croire que le Qatar puisse financer un groupe qu'il combat dans le même temps.

- L’Arabie Saoudite, et dans une moindre mesure le Qatar, sont régulièrement vilipendés par les membres de l’Etat islamique. D'une part, parce que ces deux pays sont accusés par l'organisation jihadiste d’être les principaux bailleurs de fonds de leurs ennemis, notamment les brigades rebelles combattant l’EI en Syrie. D'autre part, parce que dans le logiciel idéologique du califat d'Al Baghdadi, tous les régimes arabes sont voués à disparaître, en particulier ceux du Golfe. Considérées comme des apostats et des agents valets des Américains, les monarchies du Golfe sont dans le viseur de l'Etat islamique depuis sa création. Ainsi, dans sa dernière livraison, l'organe de propagande de l'Etat islamique, le magazine "Dabiq", voue aux gémonies les responsables politiques qataris en les accusant d'être des « America’s lapdog ». Ces faits sont notamment rapportés par le spécialiste des mouvements jihadistes Romain Caillet sur son compte twitter ainsi que dans un entretien qu'il avait accordé à L'observatoire du Qatar : 

 

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- A cela, il faut ajouter que, d’après plusieurs spécialistes, les revenus de l’EI sont essentiellement tirés de la vente de pétrole, de la juteuse entreprise des prises d’otages, des contrebandes en tous genres et des impôts et taxes révolutionnaires prélevés dans les territoires qu’il contrôle. Ces sources d’approvisionnement assurent « ainsi 95% des revenus de l’organisation ». Du fait de ces éléments, on comprend mal comment le Qatar pourrait , là aussi, financer un groupe qui a pour principale mission de le rayer de la carte. 

 - L'autre élément qui plaide en ce sens est constitué de déclarations officielles des représentants français. Dans une récente interview, Laurent Fabius a déclaré que « nous avons opéré les vérifications nécessaires ». Et d’ajouter que « quand je dis les vérifications nécessaires, c'est les vérifications par tous les services dont nous disposons et cette accusation, pour ce que concerne la période depuis laquelle nous sommes au gouvernement, est infondée ». Il faut ajouter que ce genre d’enquêtes remonte à plusieurs années car dès 2012, le Qatar faisait l’objet de lancinantes rumeurs sur un financement supposé des groupes jihadistes au Nord-Mali. Ces allégations, notamment relayées par le Canard Enchaîné, avaient été démenties par la DGSE, la Direction générale des services extérieurs. Dans une note rapportée par Le Figaro en octobre 2012, le journaliste Georges Malbrunot relevait que « les services secrets français ont assuré le gouvernement que le Qatar n’avait pas envoyé des agents sous couverture humanitaire auprès des jihadistes, qui contrôlent le nord du Mali. » L’article poursuivait en affirmant qu’ « après la publication de récentes informations en ce sens dans la presse, des agents de la DGSE ont enquêté et n’ont pas trouvé trace d’émissaires qataris venus aider les extrémistes islamistes au nord du Mali. »

- Enfin, il faut ajouter que l’ensemble de l’appareil d’Etat qatari s’est mobilisé pour faire la guerre aux idées défendues par l’Etat islamique. Qu’il s’agisse des déclarations officielles de l’émir ou du ministère des affaires étrangères ainsi que des institutions religieuses basées dans l’émirat, tous ont été à l’unisson pour pourfendre la trahison du message de l’islam opérée par l’organisation jihadiste coupable de multiples exactions contre des chrétiens mais également contre des musulmans. Ainsi, l’Union mondiale des oulémas qui est l’association qui regroupe le plus d’hommes religieux dans le monde arabe avec à sa tête le dignitaire Yousouf Al Qaradawi a dès l’été dernier fustigé la pensée, le mode opératoire ainsi que la prétention de l’EI de confisquer la parole musulmane via le nouveau califat. A Paris, l’ambassadeur Meshal Hamad Al Thani a rappelé dans une déclaration écrite que son pays avait "pris des mesures drastiques pour qu'aucun citoyen qatari ne puisse financer ces groupes à titre privé » en ajoutant : « Il faut être clair, le Qatar ne finance ni ne soutient aucune organisation terroriste ».

2/ Mais comment apprécier le dernier rapport du Trésor américain qui semble révéler que des personnalités qataries aient été épinglées pour un financement direct d’organisations terroristes? 

Il faut faire la part des choses en lisant avec précision ce que renferme le rapport du Trésor du département américain. Dans une note mise en ligne le 24 septembre dernier, celui-ci rapporte que plusieurs personnalités (deux de nationalité qatarie et d’autres ayant séjourné dans l’émirat) auraient levé des fonds pour des groupes jihadistes. En ce qui concerne les ressortissants qataris, il s’agit de Khalifa Muhammad Turki al-Subaiy et de Abd Al Rahman bin Umayr al-Nuaymi. Ces deux hommes sont présentés par certains médias comme des « hommes d'affaires réputés proches de l'élite qatarie ».  

Or, cette présentation n’est pas tout à fait exacte. Pour ce qui est d’Abd Al Rahman Ibn Umayr al-Nuaymi (photo ci-dessous) que l’auteur de ces lignes a pu rencontrer en 2005 lors de ses recherches universitaires menées au Qatar dans le cadre de son mémoire de Master, il n’a jamais été proche de l’élite qatarie. Pire, l’homme a toujours été considéré comme un opposant au régime et a même été emprisonné entre 1998 et 2001. Après sa libération, il fut réintégré à l’Université du Qatar et fonda au milieu des années 2000 un modeste centre d’études (The arab center for studies and research) situé en périphérie de Doha. Il se fit également connaître pour avoir lancé la « campagne mondiale de résistance à l’agression » (al hamla al ‘alamiya li moukafahat al ‘adwane). Cette campagne lancée à Doha le 23 février 2005 visait explicitement à résister à la domination occidentale en apportant une justification idéologique aux actions de « résistance » des Irakiens combattant le corps expéditionnaire américain. Adoubée par des dizaines de personnalités religieuses de premier plan de la scène du Golfe (l’ouléma saoudien Safar Al Hawali en était le président et Al Nuaimy était secrétaire général), elle comptait également comme membres des références reconnues dans tout le monde musulman comme  le Saoudien Salmane Al Awda ou l’Egypto-qatari Youssef Al Qaradawi. Avec un tel profil, on comprend mieux pourquoi le Trésor américain l’a qualifié de personnalité soutenant le terrorisme eu égard aux vives critiques que l’intéressé a constamment formulées à l’encontre de la puissance américaine dont il réprouvait l’influence néfaste jusque sur le sol qatari. Pour ce qui est de Khalifa Muhammad Turkial-Subaiy, le site Doha News rappelait en septembre dernier qu’il a été condamné par contumace par un tribunal du Bahreïn en 2008 et qu’il a dans la foulée été arrêté et emprisonné au Qatar. 

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Enfin, la difficulté d’apprécier les contours mouvants de la définition du « terrorisme » est devenue particulièrement ardue depuis la descente aux enfers de la crise syrienne. En effet, des groupes de l’opposition syrienne non jihadiste mais à la sensibilité religieuse marquée sont, dans l’inconscient collectif occidental, souvent catalogués comme « sectaires » ou « jihadistes ». Cette appréciation est loin de correspondre à celle adoptée par une grande partie de l’opinion du monde arabe qui, vis-à-vis des franges de l’opposition syrienne, fait la distinction entre celles qui sont effectivement de tendance jihadiste de celles qui, bien que religieuses, ne font pas l’apologie de la terreur. Un exemple illustratif de cette difficulté à apprécier la crise syrienne se retrouve dans un article du mois de septembre du New York Times datant du 7 septembre dernier. L'auteur, le journaliste David Kirkpatrick, semblait affirmer que le Qatar jouait un double jeu envers les organisations extrémistes et que ce comportement douteux commençait à entamer la confiance de ses alliés. Le texte faisait référence aux visites de plusieurs prédicateurs qui auraient levé des fonds à Doha pour le compte des factions radicales présentes en Syrie et en Irak. Pour confirmer ses propos, le journaliste évoquait une causerie tenue au Qatar en présence du prédicateur koweïtien Hajjaj Al ‘Ajmi (photo ci-dessous) connu comme l’une des principales têtes des réseaux parcourant le Golfe pour financer le djihad en Syrie. Le problème est que le journaliste ne cite pas la date de cet évènement. Cette discussion datait de plus de deux ans (juin 2012), soit à un moment où l’entreprise de répression de la révolte syrienne  prenait des accents particulièrement cruels et qu’elle suscitait une grande vague d’émotion auprès des opinions publiques du Golfe. Le discours sur le devoir religieux de soutenir le peuple syrien était à l’époque non seulement en phase avec l’orientation politique des régimes du Golfe (mais également avec les appels des Etats occidentaux à en finir avec la barbarie du régime d’Assad). Il s’inscrivait aussi dans le contexte d’une révolution syrienne qui n’avait pas encore été phagocytée par la nébuleuse de l’État islamique. L’utilisation actuelle de cette vidéo pour démontrer, de manière rétroactive, l’actuelle collusion des autorités du Qatar dans l’accueil de personnalités proches de l’État islamique ou le financement de mouvements jihadistes ne peut donc être avancée. D’autant que dès lors que les autorités du Qatar ont remarqué la dérive sectaire des propos du prédicateur koweitien, elles lui ont interdit la possibilité d’animer de nouvelles causeries dans les mosquées du pays. 

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3/ Le Qatar finance-t-il les Frères musulmans et le Hamas?

Oui, mais il faut savoir mettre en évidence les points suivants : 

- Dès l’irruption des Printemps arabes, le Qatar a compris que le monde arabe entrait dans une nouvelle ère et que l’époque des régimes répressifs était révolue. Mettant à contribution sa chaîne Al Jazeera, l’émirat a accompagné ce nouvel élan qui lui a momentanément permis (dans la séquence 2011 - 2013) à prendre le leadership du monde arabe. Face à une Arabie Saoudite tétanisée par le souffle populaire qui menaçait de déborder ses frontières et du retrait de l’Egypte en pleine transition révolutionnaire, Doha a identifié ce vide de puissance comme l’occasion d’étendre son influence. Les premières élections démocratiques, en Tunisie d’abord puis en Egypte, ont permis l’arrivée au pouvoir des formations issues de la matrice des Frères musulmans, organisation dont le Qatar avait abrité de nombreux leaders lors de la décennie précédente. S’appuyant sur une manne financière tirée de ses énormes réserves gazières, le Qatar a ainsi soutenu les transitions démocratiques qui permettaient au monde arabe de vivre, pour la première fois depuis les indépendances, un processus démocratique libre et transparent. 

 - La difficulté dans de larges parties des élites occidentales est de considérer l’organisation des Frères musulmans comme un mouvement légitime. Souvent dépeint comme « intégriste » voire même abritant des franges « terroristes », les Frères musulmans sont difficilement appréciés pour ce qu’ils sont réellement : une formation bénéficiant d’un ancrage populaire et historique qui, comme le rappelait l’universitaire François Burgat, en fait dans de nombreux pays arabes la colonne vertébrale des dynamiques oppositionnelles. Animée de courants qui opposent en son sein libéraux et conservateurs, la confrérie a quasiment toujours défendu l’option légaliste d’une confrontation non armée avec les pouvoirs, même si ces derniers déployaient une intense entreprise de répression à leur égard comme en Egypte. La lecture occidentalo-centrée du soutien du Qatar à ce mouvement est donc tributaire de ce schéma d’analyse qui a peu de choses à voir avec la perception que se fait le monde arabe de ce mouvement dont l’existence remonte à près d’un siècle. Dit autrement, lorsque le Qatar soutient la confrérie, il donne son appui à une formation qui, non seulement détient une réelle légitimité populaire mais qui en plus a été le seul mouvement capable d’arriver au pouvoir par le biais d’un processus électoral libre et pluraliste. Enfin, il est utile de rappeler qu’en 2011, l’organe politique des Frères musulmans égyptiens (le Parti Justice et Liberté)  avait nommé comme vice-président un chrétien… 

- S’agissant du conflit israélo-palestinien, le Qatar avait noué des relations diplomatico-commerciales avec Israël à partir 1996. Ces relations ont définitivement été rompues depuis l’opération militaire sanglante israélienne à Gaza à l’hiver 2008. Depuis cette date, le Qatar est l’un des principaux soutiens financier, diplomatique et médiatique du mouvement palestinien. Considérant la résistance palestinienne comme légitime et dénonçant le terrorisme d’Etat israélien (notamment à l’été 2014 lors de l’implacable offensive israélienne dans la bande de Gaza), Doha est progressivement devenue la bête noire des autorités israéliennes. Depuis plusieurs mois, de hauts responsables de l’Etat hébreu ont accusé le Qatar de soutenir le « terrorisme », appelé à une fermeture de la chaîne Al Jazeera et ont même encouragé une campagne de diabolisation de l’émirat à l’échelle internationale afin de lui retirer le Mondial 2022. Cette posture stratégique du Qatar de soutien au mouvement palestinien, malgré la colère israélienne, lui a permis de rehausser son image dans le monde arabe et de renforcer un axe stratégique majeur avec l’autre pays musulman qui adopte la même posture vis-à-vis du conflit israélo-palestinien : la Turquie. 

- Enfin, il faut rappeler que même si le Hamas est reconnu comme « organisation terroriste » par plusieurs Etats occidentaux, il n’est pas qualifié comme tel par une large partie de l’humanité : le Brésil, l’Inde, la Chine, la Norvège, l’Afrique du Sud, tout le monde musulman, la quasi-totalité du continent africain ainsi que certains philosophes occidentaux (comme le regretté Stéphane Hessel) le considèrent comme un interlocuteur légitime et reconnu du peuple palestinien.  

4/ Les autorités qataries ont-elles mis en place un cadre juridique afin de contrôler les flux financiers transférés à l’étranger?

Les noms cités par le Département du Trésor américain de personnes impliquées dans des activités terroristes ont eu lieu avant l’introduction de nouvelles règles mises en place par les autorités dont l’objectif est de rendre plus difficile l’envoi de fonds à l’étranger par les organismes de bienfaisance. En septembre 2014, le gouvernement a adopté une loi anti-terrorisme qui vient renforcer la législation antérieure en la matière (le Qatar avait adopté une loi anti-terrorisme en 2004 ainsi qu’une loi contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes en 2010). Cette nouvelle législation a notamment été saluée par le Premier ministre britannique David Cameron. Il faut également souligner qu’il s’agit d’une loi respectant les standards GAFI (Groupe d'action financière), référence mondiale dans les moyens à mettre en œuvre pour lutter efficacement contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Depuis septembre 2014, les organisations caritatives doivent désormais obtenir une autorisation spéciale avant d'envoyer des fonds à des organismes basés à l’étranger et doivent également fournir aux autorités les détails des transactions. Par ailleurs, les autorités  travailleront étroitement avec le secteur bancaire afin de détecter les transactions suspectes. 

A cela, il faut ajouter un élément factuel corroborant le fait que le Qatar est engagé à améliorer le contrôle en amont des transactions financières « douteuses ». Le Basel Institute sur la gouvernance a récemment publié son rapport annuel dans lequel on remarque que le Qatar a fourni des efforts en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, de transparence du système financier ainsi que sur la détection des transactions suspectes. Le pays est d’ailleurs classé 126e (sur 162 pays) devant d’autres Etats comme l’Australie (124e) - la France est quant à elle classée 133e. Le Qatar ainsi que la majorité des pays occidentaux (dont les Etats-Unis) ont obtenu un « risque moyen » de classification.

Enfin, un autre élément démontre clairement que les Etats-Unis considèrent le Qatar comme allié privilégié dans la lutte contre l’Etat islamique et qui balaie les soupçons de financement de ce dernier. Il s’agit de la récente visite à Doha d’une délégation de membres du Congrès américain dirigée par le sénateur républicain John McCain et ce, dans le cadre d'une tournée régionale axée sur la formation des rebelles syriens. Il est utile de rappeler que ces derniers combattent non seulement l’armée de Bachar al-Assad mais aussi l’organisation de l’Etat islamique…

5/ Qui a intérêt à s’en prendre au Qatar aujourd’hui?

Le Qatar n’est évidemment pas exempt de lourdes critiques. La situation tragique des ouvriers asiatiquesl’enfermement du poète Mohamed al-Ajami ou l’empreinte écologique exubérante des Qataris sont évidemment des sources de critiques que chaque conscience soucieuse des droits de l’homme et de la planète se doit de dénoncer. Néanmoins, le Qatar concentre des flux de reproches et il est important de faire le tri entre la critique dépassionnée et la charge obsessionnelle qui répond parfois à des agendas non avoués.

Comme l’a rappelé Alain Juillet, ancien patron de la DGSE, « il faut faire attention à ce qui est dit et faire la part des choses » en ajoutant que « d’autres pays ont intérêt à déstabiliser le Qatar et à le désigner comme bouc émissaire. » Sans faire de langue de bois, il est en effet utile d’identifier trois types d’acteurs qui ont tout à gagner à noircir l’image du Qatar auprès de l’opinion française : 

- le Front national figure en tête de ceux qui, très régulièrement, fustigent le Qatar et sa politique étrangère. De l’implication de Doha dans le tissu économique à la visite d’hommes politiques français dans l’émirat, la formation d’extrême-droite ne rate jamais une occasion de pourfendre l’activité du pays. Cette fixation obsessionnelle a même pris une tournure ubuesque lorsqu’à la faveur du lancement de la version arabophone du site internet du PSG, le FN y avait décelé un nouvel indice du communautarisme que distillerait à petit feu l’émirat. Au-delà des diatribes de Marine Le Pen dont celles, régulières, de rompre les relations diplomatiques, il est intéressant de constater que la dirigeante frontiste reste étrangement silencieuse sur les écarts d’autres régimes arabes. Pire, saluant à plusieurs reprises la politique des Emirats arabes unis et couvrant de louanges le nouveau régime égyptien issu d’un coup d’Etat militaire, Marine Le Pen semble vouloir régler ses comptes avec un pays dont la diplomatie est antagonique avec les soutiens étrangers du FN. Très proche du nouveau pouvoir tortionnaire égyptien dont le FN a salué la visite à Paris en novembre dernier, l’extrême-droite est aussi très liée avec le régime de Bachar al-Assad dont une récente enquête le présentait comme « l’un de ses grands argentiers ». Parmi le cercle rapproché de Maine Le Pen, on trouve en effet Frédéric Chatillon qui a déjà travaillé pour des agences de communication de l’ambassade syrienne à Paris et qui est un de ses confidents. Dans ces circonstances, on comprend aisément pourquoi le parti frontiste sonne régulièrement la charge contre Doha. Cette entreprise ressemble, à bien des égards, à un service commandé de la part de ceux qui ont tout intérêt à régler leurs comptes avec Doha. 

 - l’autre acteur en pointe dans les critiques qui visent le Qatar est représenté par le CRIF, le Conseil représentatif des institutions juives de France. Régulièrement, son président Roger Cukierman, émet de lourdes critiques envers l’émirat, sa diplomatie douteuse et son implication économique en France qui ne serait pas gratuite. Là-aussi, il n’est pas impossible que ce procès se fasse pour le compte d’Israël dont certaines officines ont proposé de mener une campagne internationale de diabolisation de l’image du Qatar. Signe des temps, la chaîne I-24 news basée à Tel-Aviv et détenue par des capitaux israéliens se fait souvent le relais d’informations trompeuses comme la rumeur de tentative de coup d’Etat qui aurait eu lieu au Qatar en novembre 2014. Présentée dès le départ comme une concurrente d’Al Jazeera, I-24 news qui donne régulièrement la parole aux « intellectuels faussaires » fait partie de cette vaste guerre médiatique qui se noue en arrière-plan et dont il faut avoir conscience pour distinguer le bon grain de l’ivraie. Il est en effet important de rappeler que souvent, des informations présentées comme « neutres » ne sont finalement que la couverture biaisée d’intérêts non-avoués.

- Enfin, on ne pourrait faire l’économie d’une vision géopolitique de cette campagne de dénigrement du Qatar que l’on qualifie souvent de « Qatar-bashing ». Dans un article publié le 13 octobre dernier, le site orientxxi.info rappelait que « si de nombreux reproches peuvent être faits à juste titre au Qatar, il s’agit aussi de se demander pourquoi et qui se cache derrière cette campagne. » Et d’ajouter que « ce sont bien des pays peu recommandables qui financent le Qatar bashing et instrumentalisent ainsi des leaders d’opinion plus ou moins avertis. » Pour être plus précis, il ne fait aucun doute que le gouvernement des Emirats arabes unis est en pointe dans ce dispositif destiné à égratigner l’image d’un rival politique car chacun sait que depuis plusieurs années, une sourde « guerre froide du Golfe » oppose Doha à ses voisins. L’auteur de l’article précité révélait justement que « selon le New York Times, plusieurs pays mènent une intense action de lobbying contre le Qatar avec, à leur tête, les Émirats arabes unis. » Ces derniers n’ont d’ailleurs pas lésiné sur les moyens ; en 2013, ils ont été « en tête de liste des dépenses de lobbying consenties par un pays étranger aux États-Unis (14 millions de dollars). » Grâce à ce flux d’argent qui a été déversé auprès de certains agences de communication, Abou Dhabi a réussi à faire passer auprès d’une large partie de l’opinion et des élites américaines l’idée que le Qatar « finance, directement ou indirectement, les groupes terroristes en Irak et en Syrie mais aussi en Libye. » De là à penser que la même stratégie à été déployée en France et  dans d’autres pays européens…

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