Réprobation internationale suite à la condamnation à 20 ans de prison pour Mohamed Morsi

mardi, 21 avril 2015 11:33

morsiLe président égyptien destitué par l'armée, Mohamed Morsi, a été condamné à 20 ans de prison pour « incitation au meurtre » par un tribunal égyptien. Ce jugement a été prononcé aux côtés de 14 autres personnes pour les mêmes motifs. Contrairement à de nombreux cadres des Frères musulmans, l’ancien président a échappé à la peine de mort même si d'autres procès le concernant sont prévus. 

Le 3 juillet 2013, le président égyptien Mohamed Morsi était destitué par un coup d’Etat militaire. Sous l’œil passif de la « communauté internationale », le premier président civil élu de l’histoire de l’Égypte se faisait renverser. En plus de son emprisonnement, sa formation, l’association des Frères musulmans, allait subir une intense campagne de répression. En quelques semaines, des milliers d'entre eux étaient arrêtés, torturés voire éliminés. La parenthèse démocratique du plus peuplé des pays arabes prenait alors brutalement fin.  

Polarisation du Moyen-orient

Ce coup d'Etat avait été soutenu financièrement et médiatiquement par l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Koweit. Refusé par la Turquie et le Qatar, il avait aussi été applaudi par Israël et le régime de Bashar al-Assad. A quelques exceptions près, les chancelleries occidentales avaient elles aussi silencieusement cautionné ce qui s’apparentaient à un crime contre la démocratie. Lors de l’épisode sanglant du « nettoyage » de la place « Rabi’a ‘adawiya » au Caire le 14 août 2013, plus de 1000 manifestants avaient été tués par l'armée égyptienne. Human Rights Watch déclara par la suite que ce massacre avait été « le plus important de l'histoire moderne de l'Égypte ». 

Depuis ce coup d’Etat, l’équation stratégique du Moyen-Orient s’était particulièrement polarisée et l’Egypte était devenu le point principal de fixation. D’un côté, les régimes ayant soutenu le coup d’Etat souhaitaient en finir avec l’épisode des révoltes arabes qu’ils percevaient comme une menace et une grande source d'instabilité. De son côté, un autre axe continuait à supporter les soulèvements qu’il considérait comme légitime et populaire. Ce deuxième axe porté par la Turquie et le Qatar était également celui qui soutenait le plus la cause palestinienne. La sanglante offensive de l’armée israélienne de l’été dernier confirmait cette division des régimes du Moyen-Orient : alors que la branche militaire du Hamas remerciait la Turquie, l’Iran et le Qatar pour son soutien, l’Arabie saoudite, les Emirats et surtout l’armée putschiste égyptienne validaient à des degrés divers l’opération de Tsahal. Depuis quelques mois, cette « guerre froide du Golfe » qui opposait le Qatar à ses voisins s’est temporairement estompée du fait de l'opération militaire au Yémen pour laquelle de nombreux régimes sunnites ont fait front derrière l’Arabie Saoudite.

Qatar-Turquie : le torchon brûle

Le divorce entre l’Egypte du maréchal Sissi et le Qatar a également pris une tournure médiatique. Depuis de nombreux mois, plusieurs journalistes d’Al Jazeera ont été arrêtés et poursuivis par la justice. Ces pratiques ont été dénoncées par les ONG, notamment Amnesty internationale et Reporter sans frontière (RSF) : “Nous exhortons le président Sissi à gracier les journalistes d’Al-Jazeera qui ne sont pas coupables des chefs d’accusation portés contre eux et qui exerçaient uniquement leur métier au moment de leur arrestation", avait déclaré Lucie Morillon, directrice des programmes de Reporters sans frontières. "Cette condamnation arbitraire illustre parfaitement la politique répressive du régime à l’encontre des médias étrangers et locaux, soupçonnés de liens supposés ou réels avec les Frères musulmans. Les journalistes ne doivent pas être pris à parti et devenir victimes du système au nom de la lutte contre le terrorisme.” a-t-elle ajouté. La situation de la liberté de la presse est très inquiétante en Egypte, qui est considérée comme l’une des plus grandes prisons du monde pour les journalistes en 2014. Le pays figure à la 159ème place sur 180 au Classement 2014 sur la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. 

La première condamnation du président déchu du président égyptien risque de susciter de nombreux remous dans la société égyptienne. Ajoutée aux centaines de condamnés à mort, l’exaspération est à son comble auprès d’une partie du peuple. Hier, suite à de nouvelles décisions de justice, les Frères musulmans ont appelé à des rassemblements pacifiques dans tout le pays.

Pour ne rien arranger, le Ministère égyptien des affaires religieux a décidé d’exclure les participants iraniens, turcs et qataris de son Concours International de récitation du Coran. Raisons invoquées ? Le porte-parole du Ministère Mohamed Abdel Razik a déclaré que cette décision a été prise pour "des raisons politiques." Avant d’ajouter : « nous entretenons de mauvaises relations avec ces pays, qui financent des organisations terroristes, soutiennent des islamistes radicaux, des athées, ou tentent de répandre les croyances chiites dans la société ». Dans « organisations terroristes », il faut comprendre le Hamas. En effet, le nouveau pouvoir égyptien considère le mouvement palestinien comme « terroriste ». A l’instar d’Israël, il contribue à asphyxier la bande de Gaza et mène une politique de diabolisation de toute forme de résistance à l’occupation israélienne.

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