Tentative de séduction politique
Cette nouvelle ingérence de l’émirat sur la scène française apparaît pour certains comme l’intrusion de trop. Après avoir raflé une partie des droits de retransmission de la Ligue 1, mis à l’amende Canal + pour la diffusion de la Ligue des Champions et racheté avec grand fracas le PSG, c’est donc au tour de la vie politique d’être la cible d’une tentative de séduction.
Cette offensive de l’émirat s’inscrit dans une stratégie d’envergure déployée depuis plusieurs années et incarnée dans le Qatar National Vision 2030. L’objectif des élites politiques à Doha ne manque pas d’audace : faire de leur pays un acteur central du rapport de forces internationales. Dans cette optique, tout est bon à prendre.
Devenir une superpuissance du sport et des médias bien sûr, mais également développer dans les pays occidentaux des relais aussi forts que possibles qui refléteront, d’une manière ou d’une autre, les positions de l’émirat.
La communauté maghrébine, ciblée
Ce qui semble gêner une partie de la classe politique française est ce ciblage des communautés maghrébines dans une République censée gommer toute appartenance communautaire au profit du pacte républicain.
De même, la puissance financière du Qatar commence à susciter nombre d’inquiétudes : jusqu’où ira ce minuscule émirat, inconnu il y a dix ans, mais dont le fonds souverain dispose désormais d’une force de frappe de plusieurs centaines de milliards de dollars ?
L’ingérence du Qatar dans les banlieues met mal à l’aise beaucoup de responsables français et jusqu’au plus haut sommet de l’Etat.
Les politiques, invités
Ce procès d’intention est mal placé et arrive au mauvais moment. Parce qu’il y a belle lurette que le Qatar se paie une partie de la classe politique française sans que ça ne gêne outre mesure.
La liste des politiques qui se sont succédé ces dernières années dans l’émirat est impressionnante :
- le député-maire UMP de Raincy, Eric Raoult ;
- le maire de Paris, Bertrand Delanoë ;
- « Ségolène Royal, Dominique de Villepin, Rachida Dati, Philippe Douste-Blazy, Hervé Morin, Elisabeth Guigou et Jack Lang ont pris l’habitude de se rendre à Doha et participent régulièrement aux dîners de l’ambassadeur du Qatar, Al-Kuwari », selon Le Parisien.
Bizarrement, rares sont ceux qui ont osé émettre le moindre reproche sur la question des droits de l’homme, notamment à l’égard de la condition miséreuse des ouvriers étrangers.
En France, une discrimination systémique
Au-delà de cette hypocrisie lucrative, cette affaire révèle quelque chose de plus grave. En effet, nombreux sont les jeunes de banlieues ou issus de la communauté musulmane qui parlent de quitter la France pour tenter leur chance dans les pays du Golfe..
La plupart sont animés des mêmes ressorts : victimes d’une discrimination systémique, ils veulent prendre leur destin en main et quitter l’Hexagone pour tenter l’aventure à l’étranger. Hier l’Angleterre, aujourd’hui les Etats-Unis ou les pays du Golfe.
Conscients de leur formidable potentiel, ces pays leur ouvrent grand les bras. Là-bas, ces jeunes sont reconnus pour leurs compétences et leur diversité est vécue comme un atout. Ici, leur faciès est une tare et leur origine, un motif suffisant de discrimination.
Il y a bien longtemps, aussi, que l’ambassade américaine dispose du carnet d’adresses le plus fourni de toutes les pépites qui grouillent en banlieue. Ce qui ne manque pas de susciter l’irritation régulière du ministère de l’Intérieur…
Pour une révolution des mentalités
Il y a donc urgence à ce que Marianne se réveille et se réconcilie avec une partie de ses enfants qu’elle a pourtant formés dans son école.
Le climat de plus en plus pesant qui pollue le débat public joue également vers une accélération du phénomène. Beaucoup de ces jeunes ne supportent plus les controverses à répétition, les fantasmes à l’égard des banlieues et les lectures trop souvent dogmatiques de la laïcité.
Alors, si certains souhaitent vraiment contrer la stratégie « agressive“ du Qatar, il est temps d’engager une révolution des mentalités pour positiver la présence de populations originaires d’Afrique et d’Orient qui ont toute leur place dans l’édification de la France de demain.
Il est regrettable que des pays étrangers en viennent à palier les carences du système français.
Source : http://www.rue89.com/2011/12/16/le-qatar-investit-en-banlieue-la-faute-qui-227549