FOOT. Le Qatar accusé de corruption : une enquête compromettante surtout pour la FIFA

mardi, 29 janvier 2013 01:00

Analyse publiée sur le site de Plus-Nouvel observateur le 29 janvier 2013

LE PLUS. L’enquête fait la une de "France Football", ce mardi. Le Qatar aurait mis la main au portefeuille pour obtenir l’organisation de la Coupe du monde 2022. Des accusations de corruption crédibles ? Quelles conséquences pour ce pays ? Décryptage de Nabil Ennasri, doctorant et auteur de "L’énigme du Qatar" (à paraître en mars 2013)

 

FOOTBALL. Les faits rapportés par les journalistes de "France Football" sont édifiants. Leur enquête semble solide, fouillée, le dossier est très lourd. L’accusation est loin d’être hasardeuse.

La révélation de tels éléments n’est pas totalement une surprise. Dès l’attribution de l’organisation de la Coupe du monde 2022 au Qatar, de fortes suspicions ont pesé sur ce pays et ses méthodes. Ce qui est plus étonnant, c’est de voir cette enquête sortir maintenant et ne viser que ce pays.

 

Le fonctionnement de la FIFA en cause

Quiconque s’intéresse de près au football mondial sait que le fonctionnement de la FIFA est loin d’être transparent. Or, cette enquête semble d’abord compromettante pour cette institution qui, si ces accusations sont confirmées, semble bel et bien faire de la corruption la pierre angulaire de son fonctionnement. Ce sont les défaillances de la FIFA que fait apparaître ce travail journalistique en premier lieu.

Différentes enquêtes, par le passé, ont déjà montré que les trucages et le règne de l’argent roi existaient au sein de la FIFA. Et ils n’ont pas attendu l’arrivée du Qatar pour exister. Le Qatar n’est ici que le catalyseur d’une pratique qui avait trahi l’éthique du sport pour la remplacer par l’appât du gain.

On ne peut donc analyser cette enquête sans observer une certaine focalisation sur le Qatar. Les attributions de coupe du monde n’ont jamais brillé par leur clarté et il en est de même pour l’organisation des Jeux olympiques. Il est, à ce titre, étonnant de voir que l’attribution de l’édition 2018 à la Russie, pays qui se caractérise souvent par des méthodes discutables, ne fait pas l’objet d’une même attention.

Un phénomène de crispation autour du Qatar

Comment alors expliquer une telle crispation ? Elle est sans doute le reflet d’un certain nombre de non-dits et d’une véritable inquiétude, en France notamment, à l’égard du petit émirat. Notre pays entretient un rapport maladif avec le monde arabe qui se cristallise dans le traitement du sujet "Qatar".

Ce pays est également en train de commencer à payer le prix de ses ambitions. C’est en quelque sorte le retour du boomerang. Du fait de sa politique trop ambitieuse, il fait des jaloux, se crée des adversaires et agace de plus en plus. On est sans doute en train d’assister aux limites de sa politique en matière de soft power et de diplomatie sportive.

Car le Qatar se heurte encore et toujours à un problème d’image. Il dégage une impression d’argent sans limite, qui coule à l’infini, ce qui est en contradiction avec l’idée que l’on se fait de l’esprit du sport. C’est un vrai problème quand on fait de ce domaine l’un des axes principaux de son édifice diplomatique.

Ces révélations peuvent-ils mettre un frein à sa stratégie ? J’en doute. Il est peu probable que cette attribution lui soit retirée car cela impliquerait que la FIFA reconnaisse son entière responsabilité dans les graves défaillances de son processus de désignation.

Toutefois, il est peut-être venu le temps pour le Qatar de réorienter sa politique, d’investir différemment afin de susciter moins de défiance et ne pas perdre le rayonnement qu’il était en train qu’acquérir. C’est aussi, pour la FIFA, l’occasion de réformer profondément son mode de fonctionnement et de réparer l’image sulfureuse qu’elle donne d’elle-même.

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