Les raisons de cette passation sont nombreuses. Dans une analyse précédente, nous avons mentionné les ressorts internes et extérieurs de cette décision qui constitue un acte politique historique pour la région. Même si elle ne change pas les fondamentaux d’un régime autoritaire, la portée du désistement de plein gré d’un monarque du Golfe représente un geste à la portée symbolique non négligeable. Même si ce changement à la tête de l’Etat répond à des logiques de pouvoir aux ramifications tant sur le plan interne qu’au niveau moyen-oriental, il est important de ne pas éluder les signaux envoyés à l’adresse de trois niveaux. Au plan interne, c’est une manière de renforcer le prestige et la légitimité d’une dynastie qui tourne le dos à l’habitude des coups d’Etat et fait preuve d’audace dans la transmission du pouvoir. Au niveau régional, cet acte sera perçu comme une énième occasion de démarquer le Qatar de ses voisins en mettant en évidence la rigidité des autres régimes. Au niveau international, l’objectif est de susciter un nouveau « coup » pour recueillir les dividendes symboliques d’une passation de pouvoir qui remettra le Qatar au centre de l’actualité médiatique.
Interrogé par la chaîne Al Jazeera, le docteur Mohamed Al Mesfer, professeur de sciences politiques à l’Université du Qatar, confirme ce changement imminent de pouvoir et ajoute que cette décision est le fruit d’une réflexion menée de longue date par Cheikh Hamad. Il ajoute que la politique du Qatar, tant au niveau interne qu’à l’international, ne devrait pas changer d’autant que Cheikh Tamim, le futur émir, a pris une place grandissante ces dernières années dans la gestion des grands dossiers. Ce changement vient entériner une évolution du rapport de forces au sein de la famille royale qui consacre aujourd’hui la mise sur orbite d’un prince héritier, rompu depuis plus de dix ans à l’exercice du pouvoir, et qui voit désormais son heure arriver.