Peines capitales pour six co-accusés
Mohamed Morsi ainsi que deux personnes, dont son ancien secrétaire Amine al-Sirfi, ont écopé de la prison à vie pour "actes d’espionnage". L’ex-président et plusieurs de ses co-accusés se sont aussi vu infligés une peine de prison additionnel de quinze ans pour "avoir livrés des documents confidentiels au Qatar". Le tribunal a par ailleurs confirmé la peine capitale contre six prévenus.
Parmi ces dernières, on compte trois journalistes dont deux de la chaîne Al Jazeera jugés par contumace, Ibrahim Hilal et Alaa Sablan. Ces derniers ont été accusés d’avoir servi d’intermédiaires dans le cadre de l’affaire pour "intelligence avec le Qatar" et d’avoir "livrés des documents confidentiels relevant de la sécurité nationale" aux autorités de Doha. La troisième journaliste, Asmaa Mohamed al-Khatib, âgée de 25 ans, travaillait pour le site d'information Rassd qui fut très actif sur les réseaux sociaux dans la dénonciation du coup d'Etat. Condamnés en première instance le 7 mai dernier, leur peine a été confirmée par le grand mufti d'Egypte Chaouki Allam. Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), dont le siège se trouve à Washington, a publié un communiqué dans lequel il condamne fermement la sentence prononcée à l’encontre des trois journalistes.
Dénonciation des ONG
"Le système judiciaire de l'Egypte, totalement corrompu, n'est maintenant rien de plus qu'un outil pour la répression des autorités contre ce qui reste d'opposition ou de critiques", a dénoncé Amnesty international qui réclame l'annulation des peines de mort. Ajourné une quinzaine de fois depuis septembre 2014, il ne fait en effet guère de doutes que ce nouveau procès est motivé par des considérations politiques d'autant qu'il est entaché de nombreuses irrégularités. La junte militaire au pouvoir est en effet décidé à réprimer les partisans de l'ancien régime de sorte à éradiquer toute forme de contestation.
Preuve de cet acharnement, il s'agit ici du quatrième procès qui vise l'ex-président. Ce dernier a été condamné à la peine capitale, à la prison à vie ainsi qu'à vingt années d'incarcération dans trois autres affaires. De plus, un autre procès est en cours d’examen "pour outrage à magistrat". Selon une source rapportée par les médias locaux, le tribunal pénal du Caire a reporté cette dernière audience qui vise l'ancien chef d'Etat et 24 autres co-accusés au 23 juin prochain.
Les autorités égyptiennes sont régulièrement accusées par les défenseurs des droits de l'homme d'avoir instauré un régime ultra-autoritaire. Ces derniers relaient régulièrement des alertes quant au non-respect des libertés publiques depuis le coup d’Etat fomenté par l’armée qui a porté au pouvoir le maréchal Abdel Fattah al-Sissi en juillet 2013. Ce putsch avait été suivi d'une implacable campagne de répression et près de 1200 manifestants pro-Morsi avaient été tués le 14 août 2013 par les forces de sécurité égyptiennes. Ces meurtres systématiques de manifestants pacifiques "constituent probablement des crimes contre l'humanité" d'après un rapport publié il y a deux ans par Human Rights Watch. De même, plus de 40 000 personnes ont été emprisonnées depuis juillet 2013 et plus de 500 opposants ont été condamnés à mort dans un procès expéditif dénoncé par l'ONU comme "sans précédent dans l'histoire récente" du monde. Il faut enfin souligner la situation préoccupante de la liberté de l’information, l'Egypte figurant à la 159e place sur 180 du Classement mondial 2015 établi par Reporters sans frontières (RSF). L'ONG n'hésite pas à parler d'une “sissi-isation” des médias.
Dénonciation du Qatar
Le Qatar et la chaîne Al Jazeera ont fortement réagi en contestant le bien-fondé des accusations portées par le tribunal égyptien. Au point mort depuis le coup d'Etat qui a renversé et emprisonné Mohamed Morsi, premier président démocratiquement élu de l’histoire de l’Égypte, les relations entre les deux pays ont alterné entre moments de fortes tensions et périodes d'apaisement. Ce nouveau procès en trompe l'oeil ne risque pas de réchauffer les relations bilatérales, l’émirat ayant accordé l’asile politique à de nombreux membres du parti déchu. Il semble d'ailleurs que le Qatar soit l'unique pays de la région (avec la Turquie qui a également dénoncé cette nouvelle sentence) à contester la légalité d'un pouvoir dont la seule légitimité réside dans sa capacité à museler par la force toute forme d'opposition. Signe des temps, l'émirat avait été le seul à émettre des réserves lorsque la Ligue arabe avait nommé Ahmed Aboul Gheit au poste de secrétaire général de l'organisation. Ce dernier, dernier ministre des Affaires étrangères de l'ère Moubarak, est considéré comme l'un des symboles du système autoritaire égyptien. Proche d'Israël, il s'était illustré comme faisant porter la responsabilité de la guerre entre le Hamas et Israël sur l'organisation palestinienne lors de la campagne sanglante "Plomb durci" (décembre 2008-janvier 2009).