L’administration américaine appelle à « tuer » un journaliste d’Al Jazeera

mercredi, 19 avril 2017 11:00

ahmedzaidanLe journaliste Ahmad Zaïdan, ancien chef du bureau d'Al Jazeera à Islamabad et actuel producteur exécutif de la chaîne qatarie à Doha, a été placé sur une liste de personnes à abattre  « kill list » par l’administration américaine et ce, en raison de son « appartenance » supposée à un groupe terroriste.  L’Américain Bilal Abdul Kareem qui couvre les combats en Syrie et qui s’est rendu célèbre par ses reportages sur le vif figure également sur la liste.

Les journalistes Ahmad Zaïdan et Bilal Abdul Kareem affirment que leurs noms figurent sur la liste des personnes à abattre par des drones américains, rapporte le journal américain Politico, spécialisé dans l’actualité de la Maison Blanche et la politique étrangère américaine. Sur un message publié sur leur compte twitter respectif, les deux hommes affirment avoir été inclus dans une « kill list » sous le mandat de Barack Obama, mais selon eux, l’actuelle administration n’a pris aucune initiative pour les en exclure.

Programme « Skynet »

De nationalité syro-pakistanaise, Ahmad Zaïdan, est l’un des journalistes les plus en vus de la chaîne qatarie. Il a longtemps travaillé sur Al Qaïda et a réalisé de nombreux entretiens avec des membres et dirigeants de l’organisation terroriste. Il a notamment mené des entretiens avec Oussama ben Laden.

En mai 2015, Zaïdan à l’époque chef du bureau de la chaîne Al Jazeera à Islamabad, a été placé sur une liste de personnes « suspectées d'activités terroristes » en raison de son « appartenance » supposée à Al Qaïda.  Le site d'informations américain The Intercept, spécialisé dans le journalisme d'investigation et qui rapporte l’information, a mis en avant des documents de la NSA (National Security Agency) datant de juin 2012 et obtenus par Edward Snowden. Interrogé par The Intercept, Zaïdan avait à l’époque « catégoriquement » nié appartenir au réseau terroriste ni même à l’organisation des Frères musulmans comme l’accusait l’administration Obama. Pour se défendre, il expliquait que son métier lui impose des interviews avec les acteurs qui font l’actualité quand bien même ces derniers seraient considérés comme des ennemis des gouvernements arabes ou occidentaux. Se sachant dans le collimateur de certains services secrets, il ajoute que  « toute forme de surveillance gouvernementale qui gêne le processus d'information est une violation de la liberté de la presse et nuit au droit de savoir du public ».

Conscient du péril qui pèse désormais sur leur vie, les deux journalistes accusent formellement le gouvernement américain d'utiliser des informations sur leurs déplacements grâce au programme de surveillance « Skynet » qui a déjà été utilisé pour guider les frappes aériennes sur des « suspects considérés comme terroristes ». Piloté par la NSA, ce dispositif a pour objectif de récolter des métadonnées comme les localisations GPS des téléphones cellulaires. Après identification et vérification, le programme transmet les informations à l’armée qui mobilise des drones pour entamer la liquidation physique des cibles.

Le cas de Bilal Abdul Kareem 

Clive Stafford Smith, fondateur et directeur de l’organisation britannique de défense des droits humains Reprieve, a déclaré qu’il avait été informé par une source en Turquie qu’une tentative d’assassinat de Bilal Abdul Kareem était imminente. L’ONG s’est rendue célèbre ces derniers temps suite à une centaine de procès intentée pour défendre des prisonniers du camp de Guantanámo disant avoir été torturés sur ordre du gouvernement des États-Unis.

Très actif sur les réseaux sociaux, Bilal Abdul Kareem qui possède la citoyenneté américaine, œuvre actuellement en Syrie, plus précisément dans la région de Idlib. Journaliste indépendant couvrant la guerre depuis 2012, il a notamment couvert la bataille d’Alep en décembre dernier. Dans le viseur du régime syrien et des services américains, il a indiqué sur son compte twitter qu'il a à cinq reprises failli trouver la mort dans des frappes récentes. Reporter de guerre reconnu, il collabore avec divers médias, notamment avec CNN, Channel 4 News, BBC, le New York Times et Al Jazeera. Ses détracteurs lui reprochent d’être proche de groupes rebelles radicaux ce qui biaiserait sa couverture du conflit.

Une plainte conjointe a été émise au tribunal fédéral de Washington jeudi 30 mars dernier. Cette action en justice est intentée à l’encontre du président Donald Trump, du ministère de la Défense, du ministère de la Sécurité intérieure, du ministère de la Justice, de la CIA, ainsi que de plusieurs responsables de l'agence et des services de sécurité. Le département de la Justice s'est pour le moment abstenu de tout commentaire à ce sujet.

 

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