Ce qu’il faut retenir du discours de l’émir du Qatar

dimanche, 23 juillet 2017 02:22

2017 07 21t203239z 1105286390 rc1edfbdc070 rtrmadp 3 gulf qatar emir 0L’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani a prononcé un discours télévisé vendredi 21 juillet au soir. Très attendue, cette allocution a été retransmise en direct par la télévision nationale et reprise par les grands canaux d’information régionaux comme al-Jazeera.

Preuve de l’importance du moment, les chaînes d’information aux capitaux saoudo-émiriens comme al-Arabiya ou Sky News Arabiya ont elles aussi diffusé le discours du chef de l’Etat. D’une quinzaine de minutes, ce dernier a visé deux publics. D’abord, la population autochtone qatarie puis l’opinion arabe en général et celle du Golfe en particulier.

Remercier le peuple qatari de son soutien

L’émir du Qatar n’a en effet pas tari d’éloges à l’égard de ses propres sujets. Soumis à un embargo drastique depuis plus d’un mois, l'émir a tenu à remercier son peuple pour la résistance dont il a fait la démonstration au cours de cette épreuve. Saluant son « harmonie et son esprit de solidarité », ses propos avaient pour but de brosser dans le sens du poil l’union sacrée qui s’est formée autour de la famille royale depuis le 5 juin. Il faut dire que rarement dans l’histoire contemporaine du Qatar, on a pu constater une telle ferveur nationale et un tel engouement populaire autour de la figure du souverain dont les portraits s’affichent jusque dans les salons des particuliers ou les fenêtres des voitures.

Une reprise du dialogue sous conditions

S’agissant de la crise qui couve, cheikh Tamim a rappelé les fondamentaux de sa politique : ouverture au dialogue mais pas question de céder au moindre pouce de souveraineté qui constitue une ligne rouge qu’il ne bradera sous aucun prétexte. Rappelant ce que son ministre des Affaires étrangères s’évertue à expliquer de capitale en capitale, le souverain a rappelé que le règlement de la crise ne devait "pas prendre la forme de diktats mais d'engagements communs et contraignants pour toutes les parties". A travers cette expression, il faut comprendre qu’il est hors de question pour Doha de se plier aux treize exigences que les pays du blocus ont fixé fin juin. Faisant une allusion à al-Jazeera, l’émir a aussi déploré les pressions destinées à « porter atteinte à la liberté d'expression et au droit à l'information ».

Lutte contre le terrorisme

Sur le terrain très attendu de la lutte contre le terrorisme, deux idées-forces ont été martelées. D’abord celle consistant à rappeler que le Qatar poursuit sans relâche son combat contre le terrorisme et qu’il ne peut en aucun cas être considéré comme un Etat ayant fait preuve de la moindre compromission avec ce fléau. En outre, le chef d'Etat se dit prêt à fournir tout effort mené dans un cadre commun avec les pays de la zone pour combattre l'extrémisme violent dès lors que cette convergence se fait dans la clarté et la cohésion. Elément important du discours : souhaitant pointer les responsabilités de chacun dans son émergence et éviter les amalgames douteux, il a tenu à préciser que la religion ne pouvait être considérée comme le moteur du radicalisme. C’est le contexte social, l’omniprésence de l’injustice et l’absence d’ouverture démocratique qui font le lit des organisations terroristes et c’est sur ce registre qu’il faut concentrer les efforts si l'on souhaite réellement l'éradiquer.

Une intervention au timing précis

La prise de parole du chef d’Etat n’arrive pas à un moment anodin. Rappelons d’abord qu’elle devait avoir lieu dans les jours suivant le début du blocus mais qu’elle a été reportée pour éviter de mettre de l’huile sur le feu et donner à la mission de l’émir du Koweït, alors en pleine tournée de médiation, toutes les chances de succès. Survenant le lendemain d’un décret princier qui amende la loi sur la lutte antiterroriste pour mieux la durcir, l’intervention arrive aussi dans un contexte où des rumeurs persistantes font état d’un imminent changement à la tête de l’Etat saoudien. Selon une source bien informée à l’intérieur de la famille royale, le roi Salman devrait céder les reines du pouvoir à son fils dans une passation qui ressemble fort à celle dont a bénéficié l’émir Tamim avec le retrait de son père du trône en juin 2013. Le discours de l’émir du Qatar aurait ainsi pour but de fixer le cadre d’un règlement de crise quelque soit le titulaire de la magistrature suprême auprès du grand voisin.

Une intervention diversement appréciée

Si le discours de l’émir a été applaudi à l’unisson par l’opinion qatarie qui s’est félicitée sur Twitter de la qualité du propos et le sens des responsabilités du chef de l’exécutif, les retours sont beaucoup plus froids du côté saoudo-émirien. Alors que certains leaders d’opinion ne cachaient pas leur déception sur un discours qu’ils jugeaient creux et peu convaincant, la surprise vient peut-être d’Anwar Gargash. Alors que le ministre d’Etat aux Affaires étrangères émirien, très en vue depuis le début de la crise, a qualifié de « pas positif » l’amendement à la loi antiterroriste au Qatar laissant ainsi entrevoir une possibilité de dialogue, sa réaction sur Twitter affirmant que le discours de l’émir « aggrave la crise » ne laisse au contraire guère de doute sur l’intransigeance de son camp. Le fait que le chef d’Etat qatari termine son allocution par un vibrant hommage au peuple palestinien et notamment à destination de ceux qui luttent pour la défense de la mosquée Al Aqsa n’est pas lui aussi de nature à recoller les morceaux quand on sait la collaboration de plus en plus évidente entre Abou Dhabi et Tel Aviv en matière sécuritaire.

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