Ces conditions de vie sont régulièrement décriées par les organisations de défense des droits de l'homme. Malgré la forte exposition médiatique de la situation ouvrière, le pays reste encore à l’écart des normes internationales en matière du droit du travail. Si des mesures ne sont pas prises rapidement, le Qatar risque de voir les accusations s’amplifier et de mettre dangereusement en péril sa réputation.
Colère des ONG
Des dizaines de milliers de travailleurs originaires du sous-continent indien sont employés dans le pays dans des conditions choquantes sans que les autorités prennent réellement la mesure du problème. Même si la condition ouvrière a bénéficié d’une amélioration relative, notamment grâce à la construction de nouveaux logements, il est indéniable que de grands efforts restent encore à faire. Sur la question des salaires, malgré l'instauration du nouveau système de paiement électronique, des retards sont toujours observés. Il en va de même pour la loi qui abolit le système de la Kafala ; la nouvelle disposition n°21/2015 abrogeant la loi n° 4 de 2009 sur la réglementation de l'entrée, la sortie, le séjour et le parrainage des expatriés n’entrera en application qu'en 2017. Ce retard recouvre l’une des critiques formulées par un collectif d’avocats qataris qui estiment que la réforme ne va pas assez loin, notamment en ce qui relève de sa mise en application et de la vérification effective des nouvelles normes par les entreprises.
De même, un porte-parole de Human Rights Watch, Nick McGeehan, a affirmé que le texte ne va "probablement pas conduire à une amélioration de la situation" car "l'un des aspects décevants de la loi est qu'apparemment, l'employé aura toujours besoin de l'accord de son employeur pour quitter le pays". Relayant ces déceptions, l’ancien ministre qatari de la Justice, Najeeb al-Nuaimi a de son côté déclaré que "les réformes ne sont pas à la hauteur des attentes des organisations internationales des droits de l’homme mais sont seulement une amélioration de l’ancienne loi". De son côté, Amnesty international a récemment publié un communiqué pointant du doigt le rôle crucial de la FIFA dans la lutte contre les abus déclarant notamment que "la FIFA n’a guère pris de mesures concrètes pour inciter le pays hôte de cet événement sportif phare à agir ces cinq dernières années". L'organisation de défense des droits de l'homme demande à la patronne du foot mondial "de faire pression sur les autorités qatariennes afin qu’elles introduisent des mesures de protection des droits des travailleurs migrants et veillent à ce que celles-ci soient mises en œuvre".
L'émirat se défend
Selon plusieurs enquêtes journalistiques, des milliers de personnes employées au Qatar dans le cadre des projets liés au Mondial 2022 pourraient mourir en raison des conditions déplorables de travail. Cette affirmation est contestée par les autorités qui indiquent dans un rapport de 46 pages que seuls deux hommes travaillant sur les chantiers de la Coupe du monde sont décédés ces derniers mois en précisant que leur mort n'était pas directement liée à leur emploi.Ce rapport annuel (couvrant la période d’avril à décembre 2015) publié le 10 février dernier par le Comité suprême pour les projets et l'héritage, l’organisme qui supervise l’organisation du Mondial, a pour objectif de montrer que le pays a progressé dans l’application des normes de bien-être des travailleurs qui participent à la construction des stades. Le texte indique que six ouvriers travaillant sur les chantiers ont été blessés lors d'accidents de travail en 2015. Durant la période étudiée, près de 4 000 ouvriers ont effectué environ neuf millions d'heures de travail, soit une moyenne quotidienne de huit heures de travail. Entre exigences de modernisation et focalisation médiatique, les autorités n'ont d'autres choix que d'accélérer le train de réformes pour être totalement aux normes internationales. Et espérer connaître un Mondial sans polémiques.