Ce changement législatif visant à améliorer les conditions de résidence des travailleurs va définitivement enterrer le système controversé de la « Kafala », décrié par les organisations de défense des droits de l’homme. Cette modification revêt une importance centrale puisqu’il clôt un processus de réformes engagé depuis plusieurs années. Très attendues, ces nouvelles dispositions concernent environ 1,9 million de travailleurs étrangers dont un grand nombre sont originaires du sous-continent indien. Représentant 89 % de la population du pays, leur nombre devrait atteindre 2,5 millions d’ici 2020.
Abolition définitive de la « Kafala »
Les nouveautés introduites par la nouvelle loi sont de trois ordres. D’abord, le terme « Kafil » signifiant « sponsor » ou « parrain » sera effacé du vocabulaire juridique. Il sera remplacé par l'expression « personne qui vous a autorisé à entrer dans le pays ». Ce changement dans la formulation a une incidence concrète puisque l'employeur se voit retirer une partie de ses pouvoirs. Dans la pratique, cela signifie qu'un employé n’est plus contraint de demander une autorisation à son sponsor lorsqu’il souhaite quitter le territoire (que ce soit de manière définitive ou temporaire). Dans l’ancien système, ce dernier pouvait en effet décliner la demande sans même motiver son refus. Désormais, toute demande de sortie du territoire devra être notifiée auprès du Ministère de l'Intérieur qui, via un système électronique baptisé « Metrash 2 », centralisera toutes les demandes et délivrera automatiquement le visa de sortie sous un délai de 72 heures. En cas de litige, un comité de règlement des griefs devra résoudre le problème dans les trois jours ouvrables. Si le différend persiste, la question sera renvoyée devant le tribunal compétent.
De même, la possibilité de changer de travail sera facilitée, ce qui permettra un relatif mouvement des travailleurs qui ne seront plus contraints à rester chez le même employeur au cours de leur période de résidence. Auparavant, un ouvrier qui venait au Qatar devait en effet rester chez le même employeur car il lui était très difficile de changer d’emploi sans l’autorisation de son patron. De même, si le sponsor ne lui permettait pas de changer de travail via le « certificat de non-objection » (No-Objection Certificate (NOC)), l’employé devait, à la fin de son contrat, quitter le territoire et ne pouvait y revenir que deux ans plus tard. Durant cette période, le travailleur ne pouvait même pas obtenir un visa de tourisme. Ces normes drastiques étaient au cœur du système de la « Kafala » et l’on comprend pourquoi elles étaient la cible des critiques des organisations de défense des droits humains.
Le Qatar dans la voie des réformes
Dorénavant, si au cours d'une période de travail un employé veut mettre fin à son contrat, il aura la possibilité de postuler en ligne selon une procédure simplifiée via le site du Ministère du Travail et des Affaires sociales. Ces changements prévoient également de supprimer certaines exigences du NOC que les travailleurs devaient jusqu’à aujourd’hui se procurer pour changer d'emploi.
Cette annonce entre dans le cadre d’un plan gouvernemental destiné à répondre aux nombreuses critiques dont le Qatar a été la cible depuis que la FIFA l’a désigné, en décembre 2010, comme pays organisateur de la Coupe du monde de football en 2022. Dans l’œil du cyclone, le pays pouvait difficilement rester à l’écart des normes internationales sous peine de voir les accusations s’amplifier et mettre dangereusement en péril sa réputation. Ces dernières semaines, les critiques se sont renforcées notamment suite au rapport d'Amnesty international qui évoque une forme de « travail forcé » dans certains chantiers du Mondial. Même si des efforts restent à mener, il est indéniable que la condition ouvrière a bénéficié d’une amélioration significative d’autant que, comme le souligne le spécialiste du Golfe Akram Belkaïd, « l’émirat, contrairement à ses voisins, a ouvert ses portes aux organisations humanitaires et syndicales internationales ». Avec la prochaine entrée en application de ces nouvelles règles, nul doute que l'émirat fera un grand pas en avant dans l'optique de mettre son environnement législatif en accord avec la réglementation internationale. Le tout, au bénéficie des ouvriers dont on il faut rappeler l’importance dans la construction du Qatar d’aujourd’hui.