Les deux pays entretiennent une relation étroite, solide et ancienne mais vu la situation chaotique de la région, ce sont les questions géopolitiques qui ont dominé les discussions. Parmi les sujets évoqués, les deux chefs d’Etat ont abordé des dossiers sur lesquels ils n’ont pas la même vision, notamment concernant les relations avec l'Egypte, autre allié des Etats-Unis dans la région. La semaine dernière, Doha a rappelé son ambassadeur au Caire après que l'ambassadeur égyptien à la Ligue arabe a accusé l'émirat de « soutenir le terrorisme ». L'objet de la dispute portait sur les réserves émises sur la décision unilatérale de l'Egypte de mener des raids sans consulter les autres membres de la Ligue arabe contre des positions djihadistes en Libye. Ces raids menés le 16 février ont tués plusieurs civils n'ont pas suscité une approbation générale de la communauté internationale comme en témoigne le rapport d’Amnesty international publié le 24 février. Ce gel des relations égypto-qataries pourrait compliquer les efforts de Washington qui peine à consolider le front contre l’organisation de l'État islamique (EI) en Syrie et en Irak, auquel le Qatar participe.
Obama salue le rôle du Qatar dans la coalition
L’accusation du Caire selon laquelle Doha soutiendrait des groupes terroristes rappelle les soupçons souvent évoqués par la droite ultraconservatrice américaine qui pointe régulièrement du doigt les liens supposés entre le Qatar et les groupes terroristes. Cette position vient contredire les propos tenus par le secrétaire d’Etat américain John Kerry, le 2 février dernier, qui a déclaré que « le Qatar est un partenaire important de la coalition anti-Daech ». Barack Obama a également salué le rôle joué par Doha dans la coalition contre l’organisation de l’Etat islamique.
L’émir du Qatar a par ailleurs exprimé la volonté de son pays à collaborer avec les États-Unis pour contrer la menace croissante du terrorisme au Moyen-Orient. Le président américain a, quant à lui, déclaré que « le Qatar est un partenaire solide de notre coalition. Celle-ci finira par affaiblir et à vaincre l’organisation de l’Etat islamique ». Et d'ajouter que « nous sommes tous deux engagés à faire en sorte à ce que l'Etat islamique soit vaincu, qu'il y ait une possibilité pour que les gens puissent vivre ensemble dans la paix ».
Message de l'émir à Obama
En marge de la rencontre, l’émir du Qatar a publié une tribune dans le New York Times intitulée« Message du Qatar à Obama » dans laquelle il expose les véritables raisons du terrorisme au Moyen-Orient. Il met notamment en garde contre les tentatives visant à approfondir les divisions sectaires dans la région et à exploiter le fossé entre sunnites et chiites à des fins politiques. Il poursuit en disant que le terreau du terrorisme n’est pas l'islam, tel qu'il est perçu par beaucoup en Occident, mais le désespoir. «En tant que musulman, je peux vous dire que le problème n’est pas l'islam, mais le désespoir. C’est le désespoir qui abonde dans les camps de réfugiés syriens et palestiniens, et ceux laissés par la guerre dans les villes et villages en Syrie, en Irak, au Yémen, en Libye et à Gaza. C’est le désespoir que nous voyons dans les quartiers pauvres des grandes villes d'Europe, et, oui, même aux États-Unis. Et c’est ce désespoir, qui ne connaît ni pays, ni religion, sur lequel nous devons nous attaquer si nous voulons endiguer ce phénomène ». Il conclut en affirmant qu’il faudra « une approche plus stratégique au problème. Il faudra des dirigeants politiques courageux qui puissent négocier des solutions plurielles et inclusives. Malheureusement, dans certains cas, notre guerre contre le terrorisme a aidé à maintenir en place des dictatures entachées de sang qui ont contribué à sa montée en puissance ». Un message qui dénote une volonté de la part de l'émir de rappeler à son allié américain que son ingérence dans le monde arabe n'est pas étrangère à la situation dans laquelle vit la région actuellement.
En dépit du fait que les deux pays entretiennent une vision assez différente pour ne pas dire opposée sur certains dossiers sensibles de l'agenda régional (Egypte, Palestine, Libye), il est évident que la menace terroriste incarnée par l’organisation de l’Etat islamique pèse désormais davantage que toute autre considération. De même, malgré ces divergences, l’émirat reste un allié privilégié des Etats-Unis : le Qatar accueille une importante base militaire américaine sur son territoire et les échanges commerciaux entre les deux pays se chiffrent à quelque sept milliards de dollars.