Les pays du Golfe et la question de la femme : entre réformes et pesanteurs

mardi, 15 mars 2016 21:03

femmesgolfeUne étude sur le taux de participation des femmes dans la population active des pays du Golfe montre une augmentation constante de ce taux dans la région. Pour le Qatar, le ratio est désormais de l’ordre de 51%, ce qui en fait le taux le plus élevé des membres du Conseil de Coopération du Golfe (CCG). Décryptage. 

L'étude menée par le cabinet américain de conseil en stratégie A.​T. ​Kearney est intitulée Power Women in Arabia: Shaping the Path for Regional Gender Equality ("Le pouvoir des femmes en Arabie : façonner le chemin pour l'égalité des genres au niveau régional"). Elle a pour objectif d’étudier l’évolution du taux de participation de la population active féminine dans les pays du Golfe entre 2003 et 2013. Plus généralement, elle visait à évaluer les indices de promotion de l'égalité entre les genres dans un environnement régional marqué par les pesanteurs en la matière.

Une évolution saisissante

L'étude a révélé une amélioration significative du statut des femmes dans des pays qui sont généralement considérés comme des espaces réfractaires à l’émancipation féminine. Ainsi, les femmes sont aujourd'hui majoritaires dans les lycées. Le constat est encore plus flagrant au sein des effectifs de l'université des différents Etats. Le Qatar arrive en tête avec 88% d’étudiantes suivie par les Émirats arabes unis avec 76%.

En ce qui concerne le monde du travail, l'évolution suit la même trajectoire. Alors qu'il y a encore une vingtaine d'années, les femmes étaient quasiment interdites d'exercer une activité professionnelle, les temps ont radicalement changé de nos jours puisque cela fait désormais partie de l'ordinaire dans ces pays (hormis l'Arabie Saoudite). Cependant et en dépit des progrès importants consentis en un temps record, le taux de participation des femmes dans la population active reste encore l'un des plus bas au monde. L'étude apporte une série de facteurs pour expliquer ce retard.

44% des répondants ont ainsi indiqué qu’il existe des "obstacles culturels" et un "manque de soutien" face aux nombreux défis auxquels les femmes sont confrontées. L’enquête indique par ailleurs "le manque d'opportunités" d’emploi qui est rapporté par 17% des participants.

Pour combler ce déficit, les pays du Golfe ont mis en place toute une série de mesures afin d’améliorer la situation des femmes dans le milieu professionnel. A ce titre, le Qatar vient d’introduire le congé de maternité pour une durée de 60 jours. De même, le secteur privé propose de plus en plus d’incitations et de facilités pour attirer et fidéliser les femmes sur le marché du travail comme les garderies gratuites ou les horaires de travail aménagées. La diversité des genres fait désormais partie de la stratégie d’entreprise de plus de la moitié des entreprises privées des pays du Golfe, ajoute encore l’étude. 56% des personnes interrogées qui travaillent pour ces entreprises déclarent que l'emploi des femmes a augmenté au cours des cinq dernières années. Quant à la proportion des femmes à des postes de direction, elle varie fortement d'une région à l’autre. Elle est de 35% sur le continent américain, 26% en Asie et 21% en Europe. Néanmoins, le plus faible taux régional reste encore celui du Golfe avec seulement 9%. L'étude rapporte enfin que les femmes dans les pays du CCG sont ambitieuses et donnent de l’importance à leur carrière. Par ailleurs, elles ne pensent pas que le fait d'avoir une famille soit un obstacle à leur évolution professionnelle.

Révolution silencieuse

Il est à noter que malgré des tendances lourdes qui se dessinent pour l'ensemble de la région, il existe de fortes disparités entre les différents pays. Si l'Arabie Saoudite reste le pays du Golfe où la place de la femme reste la plus difficile, le Qatar semble émerger comme le pays qui enregistre le plus d'efforts en matière de lutte pour l'égalité des sexes. Le pays connait en effet depuis une vingtaine d'années une révolution silencieuse. En un temps relativement court, les progrès réalisés sont importants et témoignent du volontarisme de l'ensemble des forces vives du pays à faire participer l’ensemble de la nation au développement général. Ce changement d'orientation en l'espace d'une génération a pris parfois une tournure radicale. Alors que la femme qatarie des années 1980 ne pouvait à peine sortir et conduire, celle des années 2010 va à l’université, voyage, conduit, vote et siège au Conseil des ministres. Dès 2003, le Qatar a été le premier pays du Golfe à nommer une femme ministre tandis que, la même année, la nouvelle constitution consacrait le droit de vote et d’éligibilité pour toutes les femmes qataries de plus de 18 ans.

Tous ces éléments convergent pour tempérer l'idée selon laquelle la place de la femme dans l'émirat serait celle d'un être brimé et relégué aux tâches subalternes. Même si des réformes restent encore à mettre en place, la trajectoire générale évolue indéniablement vers davantage d'égalité.

 

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