Un responsable de la chaîne a indiqué à l'AFP que les premiers licenciements devraient intervenir dès la semaine prochaine et que la plupart des départs ne concernait pas des journalistes. Ces licenciements surviennent deux mois après l'annonce de la fermeture d'Al Jazeera America qui va entraîner la suppression d’environ 700 d'emplois. « Cette décision est motivée par le fait que notre modèle économique n'est simplement plus viable à la lumière des défis économiques que connaît le marché américain des médias » a déclaré Mostafa Souag. Parallèlement, les responsables de la chaîne ont annoncé qu’ils entendaient renforcer leur présence en ligne et sur l'ensemble des supports mobiles, qui seront alimentés par le contenu produit par les autres antennes du groupe.
Cette décision intervient au moment où le Qatar est confronté à une baisse des recettes pétrolières en raison de l'effondrement des cours qui a poussé les autorités à revoir à la hausse les prix de l’essence de l’ordre de 30%. La dégringolade des prix de l'or noir met les finances du Qatar sous pression. Le gouvernement tente d’anticiper un déficit budgétaire de 46,5 milliards de rials (12 milliards d'euros) prévu en 2016, son premier depuis 15 ans.
Ces annonces montrent aussi que la chaîne qatarie est à la croisée des chemins. Après avoir été en pointe dans la dénonciation des régimes autoritaires et révolutionnée le champ médiatique arabe, le groupe media vit une forme de crise d’identité et de gouvernance. Sa proximité avec le pouvoir qatari de même que son parti pris lors des révoltes arabes lui ont valu de nombreuses critiques. De la même manière, sa stratégie d’expansion mondiale semble montrer ses limites comme l'illustre l'échec de la filiale américaine.
Ceci étant, le dynamisme affiché par les responsables de la chaîne montre que la volonté de rester comme un des leaders de l'information au niveau mondial demeure. Le lancement d’AJ + en septembre 2014 en anglais puis en arabe et en espagnol, dont les vidéos ont atteint deux milliards de vue, est un exemple parmi d’autres. La vraie question pour ces prochaines années est de savoir si la direction du groupe va se risquer à se lancer dans de nouveaux projets ambitieux comme une filiale en espagnol ou en français, hypothèse qui entrerait dans la logique de faire d’Al Jazeera l’une des locomotives de l’actualité mondiale. L’autre scénario serait qu’elle se contente de préserver ses fondamentaux en se recentrant sur les versions arabe et anglaise ainsi que sur le développement numérique (les réseaux sociaux, smartphones, tablettes,…).
Fondée il y a près de 20 ans par le père de l’actuel émir, cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, Al Jazeera, qui reste le canal télévisuel arabe le plus regardé, emploie quelques 4.500 personnes à travers le monde.