Quelle est la réalité des investissements du Qatar en France?

jeudi, 23 juin 2016 14:31

PrintempsRachatQatar

L'édition du 20h du journal télévisé de France 2 a consacré, mercredi 22 juin, un reportage sur le Qatar. Centré sur la nouvelle acquisition de l'émirat dans le domaine du luxe avec le rachat de la marque tricolore Balmain, le reportage a été l'occasion de faire le point sur le niveau des investissements de l'émirat en France.

On aurait pu s'attendre à une couverture tapageuse comme le pratiquent certains médias mais c'est un moment de justesse que nous a livré le journal de France 2. Après un reportage axé sur l'achat de Balmain, l'une des maisons emblématiques du luxe français, au profit de la société d'investissement privé Mayhoola, David Pujadas et sa consoeur Margaux Manière ont procédé à un état des lieux de l'implantation qatarie dans l'économie française.

Loin du fantasme et près des chiffres

En avançant des chiffres tirés d’un rapport de la Banque de France, les deux journalistes ont rappelé le niveau de cette présence en mentionnant qu'"en 2012, le Qatar a investi en France 1,369 milliard d'euros. En 2013, c'était 1,343 milliard et petite hausse en 2014 avec 1,752 milliard d'euros". Loin d'incarner un appétit vorace du petit émirat, ces chiffres démontrent le caractère réduit du portefeuille qatari dans l'économie française. Pour mettre en perspective cette présence avec les autres investissements étrangers dans l'hexagone, Margaux Manière a précisé qu'"en 2014, le Qatar a représenté seulement 0.3% du total des investissements étrangers en France". On est loin de l'image d'un pays qui aurait jeté son dévolu sur notre pays en prenant le contrôle de pans entiers de son économie... 

Cette présentation qui fait la juste part entre le fantasme et la réalité vient corroborer les conclusions d'un rapport parlementaire remis en février 2015. En compilant de nombreuses données, François Scellier (député apparenté UMP à l'époque) et Philippe Kemel (PS) avaient produit une étude qui identifiait d'où provenaient les investissements étrangers en France. Selon leurs conclusions, plus de 90% de ces derniers sont issus des pays développés, avec en tête du classement les Etats-Unis. En effet, "22,3% des investissements détenus par des étrangers en France le sont par des Américains, viennent ensuite les Britanniques (14,5%) et les Allemands (14,2%)". Quant aux pays étrangers qui défraient souvent la chronique, on note par exemple que "les Chinois ne culminent qu'à… 0,6%". Les pays du Golfe, quant à eux, "n'apparaissent même pas dans les radars", tellement leurs apports sont faibles comparés aux autres acteurs occidentaux.

Une actualité en voie d'apaisement

Malgré la réalité de ces ordres de grandeur, force est de constater qu'une partie de la presse fait encore ses choux gras en profitant de l'acquisition de la maison Balmain (pour près de 500 millions d'euros) afin de mettre en lumière le fait que le Qatar "rachète la France". Cette fixation sur l'émirat qui est également le fait d'une partie des élites politiques et intellectuelles ne résiste pourtant pas, comme nous venons de l'exposer, à l'épreuve des faits. Les motivations de cette obsession sont en réalité à chercher ailleurs. Depuis quelques années, le Qatar cristallise plusieurs fantasmes d'une partie de l'opinion française. Pays riche, neuf et aux grandes ambitions, il a fait irruption sur la scène mondiale en un temps record. Dans le même temps, les opinions occidentales, taraudées par des questionnements identitaires, voyaient s'effriter le monopole de la puissance qu'elles détenaient depuis des siècles. Dans un contexte anxiogène où l’islam fait peur, le dynamisme du Qatar a fait les frais d’une situation tendue dans les esprits. Néanmoins, cette polarisation qui fut très marquée il y a quelques années tend à s'estomper et deux raisons expliquent cet apaisement. D’abord, l’émirat s'est engagé à expliquer le sens de ses démarches dans l’économie française, le lancement du cercle économique franco-qatari Qadran étant l’incarnation de cette volonté de faire preuve de pédagogie. D’autre part, il apparaissait de plus en plus évident pour une part de l’opinion que la diabolisation du Qatar n’était pas neutre et que des acteurs aux intentions diverses voire inavouées profitaient de l’hyper médiatisation du Qatar pour régler leurs comptes avec l’émirat. En situation favorable, notamment grâce aux succès répétés du PSG, le Qatar a certes encore besoin d’améliorer son image mais l’époque où le pays était conspué pour sa duplicité semble en voie d'être dépassée.

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