Le Qatar promet une aide de plus d'un milliard d'euros pour soutenir l'économie tunisienne

mercredi, 30 novembre 2016 10:54

Tunisia 2020Le Qatar a annoncé mardi 29 novembre une aide à hauteur de 1,25 milliard de dollars (soit 1,18 milliard d'euros) à la Tunisie au premier jour d'une conférence internationale sur l'investissement. Cette contribution est de loin la plus importante des quarante pays participants. Cette rencontre vise à récolter au moins 30 milliards d’euros pour remettre sur les rails une économie tunisienne plombée par la période post-révolution.

"Nous avons face à nous en Tunisie un peuple qui a décidé de construire son pays en se basant sur la pluralité, la dignité et la liberté de l'être humain", a ainsi déclaré cheikh Tamim ben Hamad al-Thani en présence du président tunisien Béji Caïd Essebsi. De nombreux responsables étrangers venus d’une quarantaine de pays, dont le Premier ministre français Manuel Valls, avaient fait le déplacement pour assister à un rendez-vous central pour le redémarrage de l'économie du premier pays arabe qui a ouvert la voie des "printemps arabes". Le chef d'Etat qatari a ajouté« je suis heureux d'annoncer que l'Etat du Qatar va consacrer une somme de 1,25 milliard de dollars pour soutenir l'économie de la Tunisie et renforcer son processus de développement ».  L'émirat s’est particulièrement distingué puisque le montant promis est de loin la plus importante contribution annoncée lors de cette conférence internationale. 

Contributions élevées de plusieurs pays du Golfe 

Le fonds de développement saoudien s'est quant à lui déclaré prêt à verser l'équivalent de 756 millions d'euros en dons et prêts à taux réduit. Le Koweït a pour sa part annoncé un prêt bonifié de 203 millions d'euros échelonné sur 5 ans tandis que la France va accroître ses investissements en Tunisie avec un minimum de 250 millions d’euros par an et une conversion de dettes. La Banque européenne d'investissement (BEI) a consenti un prêt de 2,5 milliards d'euros d'ici 2020.

La conférence internationale des investisseurs "Tunisia 2020" se tient mardi 29 et mercredi 30 novembre à Tunis. Elle vise à capter des financements pour plus de 140 projets répartis sur l'ensemble du territoire et qui couvrent des domaines divers comme l'immobilier le tourisme, la santé, les infrastructures ou les nouvelles technologies. L’objectif final est aussi de booster la machine économique d'un pays qui a du mal à retrouver un rythme de croissance suffisant pour affronter les défis du futur. Du côté tunisien, on espère que ces chiffres avancés seront réellement débloqués car la grande difficulté de ce genre d'annonces est de convertir les déclarations d'intentions en actes. Quelques mois après la chute de Ben Ali, la décision du Qatar d'octroyer un prêt de 500 millions de dollars avait été saluée par une bonne partie de la classe politique mais sa mise en application avait été beaucoup retardée du fait de complications bancaires et administratives. Du reste, le geste du Qatar avait été critiquée par le fait que son taux d'intérêt avait été supérieur au prêt consenti quelques temps plus tard par le Japon.  

Renforcement des liens avec l’Algérie

A la veille de cet événement, l’émir du Qatar s’était rendu en Algérie où il fut reçu par le président Abdelaziz Bouteflika et en présence des plus hauts responsables du pays. Le Premier ministre algérien, le ministre des Affaires étrangères ainsi que le président de l’Assemblée nationale ont pris part à cette réunion, ce qui est la marque de l’intensité de la relation bilatérale. Depuis plusieurs mois, les échanges entre les deux pays s’accélèrent et plusieurs délégations de haut niveau se sont succédées ces derniers temps à Doha comme à Alger. Cette évolution semble définitivement tourner le dos à la période de tension qui avait mis en panne la relation bilatérale, notamment au cours des années 2011-2013. Deux éléments peuvent expliquer ce retournement ; il y a d’abord, le changement d’émir au Qatar qui a provoqué un changement de logiciel auprès de l'équipe dirigeante à Doha. Alors que le prédécesseur de cheikh Tamim menait une diplomatie offensive parfois qualifiée d’intrusive, le nouveau monarque souhaite concentrer ses efforts dans les sujets de politique intérieure, notamment dans le but de mettre le pays en ordre de marche afin d’accueillir de la meilleure manière la Coupe du monde de football en 2022. Ensuite, la chute des cours des matières premières incite les principaux producteurs à mettre en sourdine leurs différends pour trouver des terrains d’entente afin d’éviter le prolongement d’une conjoncture qui met gravement en péril leurs équilibres budgétaires. Même si le Qatar semble plus solide dans ses fondamentaux macro-économiques pour encaisser le coup du contre choc pétrolier qui dure depuis plus de deux ans, l’équation est différente pour l’Algérie. Pays de près de 40 millions d’habitants avec une démographie jeune, le pays fait face à des demandes sociales colossales qu’un prix peu élevé du pétrole ne permet plus de satisfaire.   

Le Qatar se tourne aussi vers le Maroc

Cette présence du Qatar en Tunisie et en Algérie se prolonge par une coopération poussée avec le Maroc. La dernière expression de cette entente entre Rabat et Doha est le retrait du Qatar (ainsi que d'autres pays du Golfe) au sommet afro-arabe de la semaine dernière. Choqué par la présence du Polisario (l'organe politique de la rébellion sahraouie qui revendique le Sahara occidental), le Maroc avait claqué la porte de l'évènement en incitant ses alliés à prendre une même décision. Sur le plan économique, le Qatar a multiplié les contrats et accords notamment en matière de coopération maritime, agricole et touristique. Sur le plan aérien, la bonne santé des relations entre Qatar Airways et la Royal Air Maroc devrait se traduire par l'entrée de la première dans le capital de la seconde. Suspendue à une autorisation du gouvernement, cette étape dans la consolidation des liens des deux compagnies marquerait une augmentation substantielle des rapports économiques et humains entre les deux pays. Alors que la diaspora marocaine est de plus en plus nombreuse dans l'émirat et occupe de nombreux postes dans les forces de sécurité ainsi que dans les services, de nombreux hommes d'affaires qataris ont fait du Maroc une de leurs destinations favorites. Signe des temps : considéré comme un pays stable politiquement et aux belles perspectives de développement, la monarchie chérifienne est également un lieu de villégiature privilégié pour une bonne partie de la famille royale qatarie.

 

 

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