BHL a raison sur un point : cette campagne grossit et commence à agacer particulièrement le gouvernement de Benyamin Netanyahou. En dehors de cela, il se trompe, ou plutôt fait preuve de malhonnêteté intellectuelle. Ce n'est pas nouveau.
Campagne BDS née en 2005
Il faut d’abord rappeler ce qu’est BDS. Devant l’impasse des négociations d’Oslo et l’échec de la lutte armée, de nombreuses organisations palestiniennes ont décidé de mener une campagne non-violente pour peser sur le rapport de forces. Le principe est simple : Tel Aviv spolie les terres palestiniennes, bafoue le droit international et jouit d’une totale impunité. Pour l’arrêter, il faut faire appel à la société civile mondiale afin de faire pression sur les Etats, les gouvernements et les médias pour qu’ils forcent Israël à respecter les droits inaliénables du peuple palestinien. Au départ, 170 organisations palestiniennes de divers horizons ont initié la démarche. Dix ans plus tard, la campagne vole de succès en succès puisque de la Norvège à la Belgique en passant par l’Afrique du Sud, non seulement des entreprises ont décidé de se retirer du marché israélien mais en plus, de grands intellectuels ont apporté leur soutien à la campagne. En France, BDS a connu un important développement à la faveur de l’attaque israélienne de l’été dernier sur Gaza.
Cette mobilisation commence à effrayer le gouvernement Netanyahou qui a fait de la lutte contre la campagne BDS l’un des ses objectifs prioritaires. Car il faut dire que les temps changent et le vent tourne. En Afrique du Sud, l’archevêque sud-africain Desmond Tutu, ancien prix Nobel de la paix et figure de la lutte anti-Apartheid s’est joint à BDS. En France, pendant longtemps, Stéphane Hessel, ancien déporté et icône de la résistance à l’Allemagne nazie avait été l’un des plus grands promoteurs de cette cause. En Norvège, des fonds de pension ont décidé de ne plus investir en Israël en arguant du fait que ce pays traitait avec mépris les citoyens palestiniens. En définitive, l’économie israélienne craint le contrecoup d’une telle mobilisation et c’est bien pour la stopper net que les relais d’Israël s'agitent pour la discréditer.
BHL, « intellectuel faussaire »
La charge de BHL est donc concomitante de la sonnette d’alarme tirée par le gouvernement israélien. Et comme pour mieux délégitimer une campagne qui a le mérite de faire appel aux citoyens du monde entier, BHL va faire usage d’une de ses munitions préférées : la désinformation, le mensonge et le brouillage sémantique. Il est vrai que celui qui a, selon le dernier essai de Pascal Boniface, « envoyé un mail à tous les salariés du Point » pour leur distribuer des places gratuites pour éviter le flop de sa pièce de théâtre, n’en est pas à son premier forfait.
Dans son éditorial, il s’interroge pourquoi les acharnés de la campagne de BDS n’orientent pas leur charge contre le Qatar « dont je sais bien que les Fondations financent, avec des think tanks saoudiens, l'essentiel du mouvement ». D’où BHL tire-t-il cette information d'un financement qataro-saoudien de BDS ? Quelles sont ses preuves pour appuyer une telle affirmation ? Existe-t-il une enquête, un rapport qui puisse confirmer son accusation ? Non, rien de tout cela. La stratégie de l’affirmation péremptoire semble être un argument irréparable. Si BHL l’a dit, c’est que c’est vrai.
Sauf que, sur cette affaire, BHL s’est encore une fois trompé. Ou plutôt, il a menti. Le mouvement BDS est issu de la société civile, il regroupe des associations qui dans la quasi totalité des cas vivent des subventions de leurs adhérents. Mieux que cela, la campagne BDS avait récemment fustigé la compagnie Qatar Airways pour son sponsoring de l’équipe du FC Barcelone. En effet, la direction de l’équipe catalane s’était rendue avec l’ensemble des joueurs en Israël pour une tournée. Cette visite triomphale avait notoirement déplu à BDS qui la considérait comme un appui à la politique d’Apartheid que mène le gouvernement de Tel Aviv. Dans ces conditions, comment croire BHL qui accuse, sans le moindre début de preuve, BDS d’être financée par le Qatar alors que BDS avait mené une campagne de dénonciation de la compagnie nationale de l’émirat ?
En réalité, l’intellectuel faussaire n’en est pas à sa première manœuvre manipulatrice et sa propension à défendre Israël n’est plus à démontrer. L’an dernier alors qu’il souhaitait se rendre en Tunisie, il avait été hué par une foule qui l’attendait à l'aéroport. Commentant cet accueil, le professeur Béligh Nabli analysait que "sur le fond, si la personne de BHL a fait l’objet d’un tel rejet, c’est parce qu’elle symbolise le chaos libyen et le soutien inconditionnel à Israël". En parlant d’Israël, il est utile de constater que la charge de BHL rejoint celle de l’Etat hébreu qui a fait l’émirat l’une de ses bêtes noires. Tel Aviv ne supporte en effet pas le soutien qatari à la résistance palestinienne qui s'est notamment illustré lors de l'agression de l'été dernier. En conséquence, le gouvernement israélien a décidé de relayer une campagne de diabolisation du Qatar à l'échelle mondiale. Etrangement, ces attaques rejoignent la mise en accusation répétée du CRIF qui voit dans l’émirat une menace pour la France et son économie. Cette constellation d’acteurs qui font une fixation sur le petit émirat va faire cette semaine la jonction avec un autre acteur de la vie politique française qui est, lui aussi, bien décidé à déboulonner l’image de l’émirat : le Front national. Dans un procès qui s’ouvre le 26 juin, le numéro 2 du FN a même décidé de s’offrir les services d'un avocat au parcours pas anodin : Gilles William Goldnadel. Membre du CRIF et proche du groupuscule ultra-violent LDJ, ce dernier illustre parfaitement la connexion entre soutien inconditionnel intérêts israéliens, obsession qatarienne et rapprochement avec l’extrême droite. Affaire à suivre, donc.