Après le naufrage face au Barça, le Qatar continuera-t-il à miser sur le PSG?

jeudi, 09 mars 2017 19:28

PSG BARCALe Paris Saint-Germain (PSG) a vécu un véritable cauchemar mercredi 8 mars lors de son 8e de finale retour à Barcelone. Face à une équipe du Barça gonflée à bloc, l'effectif parisien a subi une humiliation historique. Éliminé de la Ligue des Champions pour la cinquième année consécutive avant même d'accéder au stade des demi-finales, le PSG arrive à un stade où c'est le bien-fondé de son projet sportif qui est aujourd'hui clairement menacé. 

Cela devait être une soirée agréable annonçant une qualification en quart de finale, ce fut une descente aux enfers comme jamais Paris n’en avait connu. Jamais en effet, dans l'histoire des coupes d'Europe, une équipe n'avait pu rattraper un retard de 4 buts à ce stade de la compétition. L'exploit inespéré du Barça entrera dans les annales du football européen comme l'une des remontées les plus exaltantes. Mais en dehors du côté proprement sportif, la question qui se pose aujourd'hui est de savoir si stratégiquement, le Qatar a encore intérêt à miser sur le club de la capitale pour en faire la vitrine de son projet sportif.

La continuation de la géopolitique par le sport 

Avant le début de la rencontre, une telle question paraissait totalement incongrue. Même si la direction du PSG savait que la soirée allait passablement être compliquée eu égard aux annonces répétées des coéquipiers de Lionel Messi de ne rien vouloir lâcher, personne ne pouvait prédire un tel scénario catastrophe. Au lendemain de ce mercredi noir, la question est en passe de se poser de savoir si les autorités du Qatar ne vont pas prendre un virage radical étant donné les échecs successifs de la direction actuelle de remporter la Ligue des Champions. Cet objectif était pourtant clairement affiché dans la feuille de route de QSI (Qatar Sports Investment) lors de l’achat du club.

Pour bien comprendre pourquoi les plus hautes autorités du Qatar hésitent dorénavant sur la nécessité ou non de poursuivre l’aventure parisienne, il faut d'abord resituer ce que le PSG incarne à leurs yeux. Depuis près de 20 ans, le Qatar a opté pour un logiciel stratégique destiné à agir sur le levier du Soft power. Dans l’incapacité de mobiliser les ressources du Hard power, c'est-à-dire la coercition militaire, pour satisfaire son besoin de sécurité dans un contexte régional tendu, l’émirat a orienté ses efforts dans le déploiement d’un projet politique devant faire de son rayonnement international le levier majeur de son implication sur la scène mondiale. Pour l’émir du Qatar de l’époque, l’équation est limpide : à l’heure de la mondialisation, le rapport de forces entre les nations se joue au niveau des perceptions et c'est sur ce registre qu'il faut lourdement investir. Deux vecteurs de projection sont alors identifiés : la mise en place d’un puissant groupe médiatique autour d'Al Jazeera et l'agencement d'une « diplomatie sportive » conçue comme la mobilisation d’un arsenal de mesures devant faire du pays un épicentre du sport mondial. Imbibée de cette vision du monde et disposant des moyens financiers de ses ambitions, l’élite dirigeante du Qatar se lance dans la concrétisation de son plan avec un entrain qui va rapidement faire du pays l’un des plus dynamiques du Moyen-Orient.

Le PSG et le Mondial 2022

Dans le cadre de ce marketing mondial de positionnement, le PSG doit servir de vitrine mondiale. Dès le printemps 2011, le fonds d'investissement QSI rachète le club parisien à son propriétaire, le fonds de pension américain Colony Capital. Plusieurs stars internationales intègrent l'effectif (Zlatan Ibrahimovic, Thiago Silva, David Beckham etc) et en l'espace de quelques années, la formation s’impose comme l'une des plus compétitives d’Europe et disposant d’un des budgets les plus conséquents. Mais au-delà de son règne sans partage sur le football français (quatre championnats à la suite sans compter les différentes coupes nationales), le PSG doit impérativement remporter la Ligue des Champions.

Car depuis la désignation en décembre 2010 du Qatar comme pays organisateur du Mondial 2022, les critiques fusent. Celles-ci se concentrent sur deux éléments : le manque de tradition footballistique de l'émirat ainsi que le soupçon de corruption quant à sa désignation. Afin de combler son déficit en matière de tradition sportive, les autorités transmettent au PSG un ordre de mission avec obligation de résultat à court terme. En plus de construire une marque mondiale de sport, il s'agit de créditer le Qatar d'une légitimité footballistique que personne ne pourra remettre en cause. Dans ce cadre, l'obtention d'une Ligue des Champions considérée comme le trophée le plus prestigieux de la scène mondiale (au niveau des clubs) aura pour finalité de faire taire toutes les critiques. Le problème est que depuis maintenant 5 ans, ce dessein paraît inaccessible au PSG malgré les centaines de millions de dollars dépensés. Alors qu’il y a quelques jours et sa double balade contre le Barça et l’OM, le PSG incarnait le renouveau du football français et aspirait à finir l’année sur un nuage, la désillusion est entière aujourd'hui.

L’impuissance de la puissance

Au-delà de l’amertume et de cette fâcheuse sensation d’être devenue une machine à perdre, une forme d'impatience règne à Doha. Car, malgré toute la confiance dont Nasser al-Khelaïfi dispose auprès de l’émir Tamim, nul doute que ce dernier pense à revoir substantiellement le plan du PSG. Sans une stratégie nouvelle devant permettre à l’effectif de percer le plafond de verre européen, c’est en effet l’axe stratégique de développement du pays indexé en partie sur le sport qui risque d’être remis en question. Plus qu’un atout marketing, le sport est assimilé à Doha comme un accélérateur de tourisme et un levier de croissance du futur. A l’heure où le pays s’engage dans une reconversion de son économie pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures, c’est toute une industrie basée sur l’organisation de grandes compétitions qui a été pensée et mise en place. Au coeur de ce dispositif, le PSG est intégré comme une forme de locomotive tant sur le plan des retombées publicitaires que du prestige international. Son échec lancinant est donc vécu comme un péril qu'il faut d'urgence circonscrire.

Afin de prévenir l’incendie et éviter l’humiliation de devoir vendre le club synonyme de retrait définitif de la planète football, certains au Qatar plaident pour un dernier sursaut. L’idée serait de mettre l’argent nécessaire afin de construire une équipe "en béton" qui permettra de conjurer le sort et de parvenir à soulever la coupe aux grandes oreilles. De notre point de vue, c’est plutôt ce scénario qui est privilégié à Doha, ce qui nécessitera un mercato à la hauteur de l'enjeu. Afin de muscler l'effectif, le recrutement de "top players" comme le Chilien Alexis Sanchez (en froid avec son club d'Arsenal) ou le ciblage d'attaquants prestigieux tels Antoine Griezman sont dans les tuyaux. Il en faudra certainement plus pour monter en gamme et arracher une victoire finale en Champion's League. Mais même si le PSG détient les moyens matériels de ses ambitions, il ne parvient pas à convaincre des stars de premier plan de le rejoindre d'autant que les pépites comme le Brésilien Neymar ou l'Argentin Lionel Messi semblent intransférables tellement ils semblent attachés à leur club. À moins que le Qatar ne consente à faire un super chèque synonyme de transfert du siècle ? Réponse, cet été.

 

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