En isolement et subissant des mauvais traitements
Quelques jours après son arrivée en Egypte, le ministère de l’Intérieur avait accusé le journaliste de « provocation envers les institutions de l’Etat et de propagation de fausses nouvelles dans le but de semer le chaos ». Ces accusations ont été réfutées par son employeur qui a appelé à sa libération immédiate et sans conditions. « Al Jazeera considère que toutes les accusations à l’encontre de Hussein sont le résultat de pratiques qui violent les normes et les conventions internationales et qui, malheureusement, prédominent en Egypte selon les rapports des organisations de défense des droits de l’Homme » a ainsi précisé la chaîne dans un communiqué.
De son côté, Mahmoud Hussein a déclaré qu’il subissait des mauvais traitements et était détenu dans une cellule isolée qui ne permet pas l’introduction de nourriture ou de vêtements. Privé de contact avec sa famille et ses avocats, sa détention prend une allure de punition dont beaucoup craignent qu’elle ne s’étale dans le temps.
Cette arrestation d’un journaliste d’Al Jazeera en Egypte est loin d’être un cas isolé. Le pays a en effet impulsé une campagne de répression à l’encontre des médias, des journalistes ou des ONG critiques envers le pouvoir. Alertées sur cette dégradation de la situation, les Nations unies ont appelé le régime à respecter ses engagements en matière de protection de la liberté de la presse. « Nous appelons à la résolution rapide de ce dossier en conformité avec les obligations égyptiennes en matière de protection de la liberté d’expression et de la liberté d’opinion », a récemment déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole du Secrétaire général de l’ONU. De leur côté, Reporters sans frontières (RSF) ainsi que la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ) ont dénoncé l'arrestation arbitraire et la détention de Mahmoud Hussein.
Inquiétant recul des libertés en Egypte
Depuis l'arrivée au pouvoir d’Abdelfattah al-Sissi, Al Jazeera est accusée par les autorités du Caire de soutenir le mouvement des Frères musulmans, qualifié d'"organisation terroriste" depuis une décision datant de 2014. Les journalistes de la chaîne sont systématiquement vilipendés par les autorités judiciaires qui les accusent « d'incitation à la sédition contre l'Etat et de diffusion de fausses informations ». Loin d’être l’expression d’une décision impartiale d’une justice indépendante, ces sentences sont le reflet de la mainmise totale de l’institution judiciaire dans les mains du pouvoir central. Preuve de cette descente aux enfers, Le Caire a récemment instrumentalisé des arrêtés de justice autour de la restitution (pourtant programmée) de quelques îles à l’Arabie Saoudite pour engager un bras de fer avec Riyad. Cette querelle judiciaire a gravement mis à mal le partenariat stratégique entre les deux pays et le roi Salman ben Abdelaziz ne cache plus son exaspération devant un régime qui, sur les grands dossiers régionaux (notamment la Syrie et le rapprochement avec l’Iran) semble prendre systématiquement le contre-pied de ses choix stratégiques. Signe des temps, Riyad est désormais bien plus proche de l’axe Turquie-Qatar et, afin de combler le déficit d’argent frais apporté par son puissant voisin, la junte militaire semble de plus en plus dépendante des subsides des Emirats arabes unis dont l’animosité envers l’islam politique porté par les Frères musulmans ne faiblit pas.
Au moins 30 journalistes sont emprisonnés en Egypte selon le Syndicat des journalistes égyptiens, et plus de 62 selon le Réseau arabe pour l’information sur les droits de l’homme (Anhri) qui tient compte des photographes et des indépendants. Selon le Comité pour la protection des journalistes, sept journalistes ont trouvé la mort depuis le coup d’Etat de juillet 2013 fomenté par l’armée qui a porté au pouvoir le maréchal Abdelfattah al-Sissi. De même, trois journalistes ont été condamnés à la peine de mort en mai 2016 dont deux d’Al Jazeera.
La situation des journalistes est de plus en plus mis à mal en Egypte, classée 159 sur 180 dans l'Indice mondial de liberté de la presse 2016 de RSF. Le pays est aujourd'hui l'une des plus grandes prisons à ciel ouvert pour les correspondants de presse après la Chine, l'Érythrée et l'Iran.