Faiblesse du dollar et grands marchés émergents
Jeudi 2 février, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en avril valait sur l'Intercontinental Exchange (ICE) de Londres 57, 21 dollars tandis que dans les transactions sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de "light sweet crude" (WTI) s’établissait à 54,14 dollars. C’est ce dernier tarif qui est prix en compte dans les échanges relatifs au pétrole du Golfe arabo-persique.
Plusieurs raisons expliquent ce rebond qui s’inscrit dans une tendance esquissée depuis plusieurs semaines. D’abord, la baisse du dollar est de nature à infléchir vers le haut le prix des hydrocarbures. Affecté par la prudence de la Réserve fédérale américaine (FED) qui n'a pas confirmé une hausse de son taux directeur dans les prochains mois, le billet vert évolue dans un climat macro-économique qui lui fait perdre de sa valeur. Ensuite, la demande mondiale ne fléchit pas contrairement à certains scénarios qui, évoqués ces derniers mois, évoquaient une baisse inexorable de celle-ci. Basée sur l’argument que la transition écologique impulsée dans plusieurs pays d’Occident infléchira la consommation globale en énergies fossiles et sur une croissance faible dans les grands marchés asiatiques, cette projection ne prenait pas en compte l’inertie des modèles économiques actuels. En effet, l’Occident n’est plus considéré comme le grand marché d’absorption de la production pétrolière mondiale mais c’est désormais vers les géants d’Asie et le continent africain que se tournent désormais les pays exportateurs.
La baisse de la production de l’OPEP est réelle
Au delà de ces différentes raisons, c’est surtout l’accord de l’OPEP du 30 novembre 2016 signé à Vienne qui constitue le facteur explicatif central. En effet, les grands producteurs semblent s’être astreints à une véritable baisse de leur production afin de soutenir le marché. Pour certains analystes comme ceux de JBC Energy « il semble assez clair que les pays se sont tenus à leurs engagements. Selon nos estimations, la production de l'Arabie Saoudite (premier exportateur mondial) a reculé à 10,1 millions de barils par jour et celle de l'Irak à 4,4 millions de barils ». Confirmant cette tendance, des experts de la Société générale avancent que « les données d'un grand analyste des transporteurs de pétrole montrent que la production de l'OPEP était en baisse de 0,9 million de barils par jour en janvier par rapport à décembre ».
C’est donc cette baisse de la production du cartel pétrolier qu’il faut identifier comme la cause principale de la hausse du brut. De plus, contrairement à certains accords précédents, l’accord de novembre (lui même issu d’un protocole signé à Alger fin septembre) est corroboré par les faits ; les Etats se sont donc résolument engagés dans une baisse de leur production et ne semblent pas vouloir le contourner clandestinement. Enfin, les observateurs s’attendent à ce que le prix maintienne cette évolution car les pays non membres de l’OPEP sont eux aussi en voie de réduire leur production. Au cœur des attentions se trouve la Russie, géant pétro-gazier non membre du cartel et dont le gouvernement a saisi tout l’intérêt pour son équilibre budgétaire de voir le baril repartir à la hausse.
Les pays producteurs soulagés
Avec ce rebond de l’ordre de 10 dollars en deux mois, nul doute que les Etats producteurs peuvent s’estimer soulagés. Face à un baril qui depuis la mi-2014 subissait une dégringolade qui paraissait inexorable, la conjoncture est en passe de basculer dans un sens inverse. Certes, le baril est très loin de la barre des 100 dollars, niveau auquel il oscillait pendant la période 2007-2014, mais le fait de sortir de la zone rouge permet aux gouvernements de souffler. Cependant, rien n’indique que la hausse puisse se prolonger dans la durée, la volatilité du prix du baril étant consubstantiel de ce marché. De plus, une hausse durable et linéaire de l'or noir pourrait remettre en scène la production des types de pétrole non conventionnels (notamment de schiste) et redémarrer des centaines de forages ce qui ferait mécaniquement monter en flèche l’offre de pétrole mondial. Or, c’est précisément cette surabondance qui a été la cause de la chute de ces trois derniers années. L’équilibre est donc difficile à trouver pour des opérateurs dont les intérêts son rarement convergents (Etats producteurs, majors du pétrole, pays consommateurs, mouvements écologistes). Un premier bilan sera tiré le 25 mai prochain, lorsque l’OPEP se réunira à nouveau avec d'autres pays pour procéder à un contrôle de l’accord de Vienne.