Une grande partie du monde en faveur de la Palestine
L’examen du vote laisse néanmoins apparaître un clivage des Etats membres sur la question. Alors que les deux précédentes résolutions sur le même thème avaient été adoptées il y a quelques mois par 32 puis 26 Etats, seuls 22 d’entre eux ont souscrit au nouveau texte. Proposés par plusieurs Etats arabes comme le Soudan, la Jordanie et l’Egypte, la résolution a été adoptée par des membres non arabes comme la Chine et la Russie. Fidèles à leur tradition de protecteur des intérêts d’Israël, les Etats-Unis ont voté contre aux côtés de neuf autres Etats (dont la Grande-Bretagne). De son côté la France a préféré s’abstenir à l’instar de 22 autres pays.
Ce vote a provoqué la colère du gouvernement de Benjamin Netanyahou qui la considère comme un acte unilatéral et « absurde ». À son habitude, ce dernier a fustigé la décision et promis des mesures de rétorsion comme ponctionner la contribution israélienne prévue pour cette année en faveur de l’ONU d’un million de dollars. L’exaspération de Tel Aviv est d’autant plus vive que le vote s’est tenu le jour où le pays débutait les commémorations de son indépendance. Preuve du malaise dans la classe politique israélienne face à ce qui ressemble à un camouflet diplomatique, la ministre de la culture, Miri Regev, a surenchéri en affirmant son souhait de fermer le quartier général des Nations unies dans le pays. De son côté, le ministre de la Défense, l’ultra-radical Avigdor Lieberman, a estimé que ce vote « revient à nier la souveraineté d'Israël sur l'ensemble de Jérusalem et à présenter notre pays comme un pays occupant, le jour où nous célébrons notre indépendance ». Pour les Palestiniens en revanche, la position prise par l’UNESCO mérite d’être applaudie, le ministère des Affaires étrangères estimant dans un communiqué que le vote de la résolution constituait une « victoire du droit international ».
Israël ou la permanence de l’impunité
Sur le fond, le texte onusien réaffirme le caractère sacré pour les trois religions monothéistes de Jérusalem et dénonce la poursuite de l’occupation et de la colonisation de la vieille ville. À rebours d’un principe intangible de la stratégie israélienne depuis 1967 qui considère Jérusalem comme « la capitale éternelle et indivisible » de l’Etat hébreu, l’UNESCO met en garde sur la politique méthodique de judaïsation de la ville sainte qui marginalise la population palestinienne et met en péril ses lieux saints musulmans et chrétiens. Il faut en effet rappeler que sous l’effet d’une mouvance d’extrême-droite toujours plus active et influente, les gouvernements israéliens successifs n’ont eu de cesse de renforcer la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem Est pour y implanter le maximum de colons. Ce déséquilibre démographique couplé aux insurmontables difficultés pour les Palestiniens de visiter leurs lieux saints ne peut que fragiliser la préservation de leur patrimoine religieux.
Avec cette décision, l’Unesco rappelle que la force ne fait pas le droit et qu’il est du devoir de la communauté internationale de ne plus se plier à l’intransigeance israélienne. Néanmoins, le soutien indéfectible et permanent des Etats-Unis a permis à Israël ces dernières années de faire fi du droit international et de bénéficier d’une impunité qui nourrit un puissant ressentiment dans le monde musulman. Preuve de cette politique d’alignement, les Etats-Unis avaient suspendu leur contribution financière à l’UNESCO il y a quelques années lorsque l’agence avait reconnu la Palestine comme Etat membre. Afin de permettre à l'agence de continuer à financer ses activités (la contribution américaine s'élevait à des dizaines de millions de dollars et figurait parmi les plus importantes), des pays comme le Japon et le Qatar s'étaient portés volontaires pour combler le déficit.
Vers une réconciliation nationale intra-palestinienne ?
Cette victoire diplomatique arrive à un moment où la scène politique palestinienne vit d’importants changements. Alors que l’Autorité palestinienne a toujours du mal à se renouveler eu égard au déficit de crédit dont souffre son président Mahmoud Abbas, le Hamas rabat ses cartes en optant pour un tournant inédit. Le mouvement vient en effet de rendre publique un document officiel mettant en évidence son nouveau programme politique qui reconnaît implicitement l’Etat d’Israël dans les frontières de 1967 et rompt sa filiation avec l’organisation des Frères musulmans. Cette mutation est le fruit d’une longue réflexion du mouvement qui souhaite briser son isolement diplomatique et nouer des liens avec les puissances occidentales pour aboutir à un règlement définitif d’un conflit vieux de près d’un siècle. Ce virage a été adopté en même temps qu’un basculement à la tête de la direction. Chef du Hamas depuis 1995, Khaled Mechaal cède sa place de président du bureau politique à Ismaïl Haniyeh qui fut le patron du mouvement à Gaza ces dernières années. Annoncé simultanément dans l’étroite bande de terre et au Qatar où le parti a trouvé refuge depuis 2012, ce changement de leadership se veut comme l’amorce d’un nouveau souffle destiné à réconcilier les différentes composantes politiques du peuple palestinien. Cette réconciliation qu'appelle de ses vœux l'immense majorité de l'opinion demeure en effet le préalable indispensable pour forcer un accord de paix définitif qui respecte les doléances légitimes d'un peuple qui vit l'une des dernières expériences coloniales de l'histoire.