Une première dans la région du Golfe
En septembre dernier, le Qatar a ainsi promulgué une loi sur l’asile qui représente une étape importante en matière de respect des droits des étrangers dans une région où la législation en la matière était jusqu’alors inexistante. Pointant la nouveauté qu'introduira le texte qatari, Lama Fakih, directrice adjointe de HRW pour le Moyen-Orient, a ajouté que « cette loi sera un pas décisif dans une région où les riches États du Golfe ont souvent fermé la porte aux réfugiés ».
Selon le premier article de la loi n°11/2018 « sur l'organisation de l'asile politique », un réfugié est considéré comme « demandeur d’asile » selon la définition suivante : « toute personne en dehors de son pays de nationalité ou de résidence habituelle qui est incapable ou ne souhaitant pas rentrer dans ce pays en raison d'une crainte justifiée d'exécution ou de punition corporelle, de torture, de traitements inhumains ou dégradants, ou de persécution et ce, en raison de son appartenance ethnique, de sa religion ou de son affiliation à un groupe social spécifique, ou en raison de ses convictions politiques. »
Cette réglementation a été adoptée juste après la ratification par les autorités de l’émirat de deux autres lois régissant le droit de résidence des étrangers et introduisant des progrès notables. La première concerne la fin de l’autorisation de sortie pour la plupart des ouvriers, et la seconde permet aux expatriés vivant au Qatar depuis plus de 20 ans de formuler une demande de résidence permanente. Pour de nombreux observateurs, ces avancées témoignent de l’engagement de Doha de se rapprocher des normes internationales en matière des droits humains.
Certaines dispositions ne sont pas en accord avec le PIDCP
En revanche, bien que l'article 9 accorde aux réfugiés le droit au logement, aux allocations de chômage et de circuler librement, le nouveau dispositif les oblige « à demander une autorisation s'ils souhaitent quitter le lieu de résidence qui leur a été attribué par le gouvernement » et ce, contrairement aux autres résidents permanents légaux.
Pour Lama Fakih, « le Qatar devrait aller plus loin et modifier la loi afin qu'elle soit pleinement conforme à ses obligations en vertu du droit international relatif aux droits humains et aux réfugiés ». Ce changement serait salutaire et cohérent puisqu'il s'inscrit pleinement dans le cadre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), un traité fondamental en matière des droits humains auquel le Qatar a récemment adhéré.
Le Qatar, terre d’asile depuis des années
Même si le Qatar a depuis des décennies ouvert ses portes et ses antennes à de nombreux opposants arabes mais aussi à plus de 40.000 réfugiés syriens, ce nouveau cadre législatif permet de fixer les normes de base régissant le droit d’asile.
Ce dispositif réglementaire est à analyser dans le prolongement du blocus en cours imposé à l’émirat par ses voisins. Bien que ces pays aient ordonné à tous les Qataris de quitter immédiatement leur territoire après l'annonce de l'embargo et qu'ils aient dans le même temps contraint leurs ressortissants établis dans l'émirat à rentrer, Doha a pris une toute autre direction, annonçant même accueillir avec bienveillance tous les citoyens de ces pays qui souhaitaient rester. De nombreux bahreïnis, émiriens et saoudiens ont ainsi choisi de rester au Qatar, malgré les pressions de leur pays d’origine.
L’exemple le plus emblématique est celui d’un prince émirien, cheikh Rachid ben Hamad al-Sharqi, qui s’est fait connaître l'été dernier en s'opposant à la politique suivie par Mohammed ben Zayed. Au mois d'août, ce dernier a ainsi demandé l’asile au Qatar disant craindre pour sa vie s'il restait aux Émirats Arabes Unis. Il dirigeait la propagande médiatique pour le prince ben Zayed à l’origine du blocus contre le Qatar.