Entretien avec l’avocat Selçuk Demir sur le référendum portant sur la révision de la Constitution en Turquie
1/ En quoi la révision constitutionnelle va-t-elle profondément modifier le cadre institutionnel de la Turquie? Qu'est ce qui va réellement changer avec l'adoption de cette réforme si elle est validée par le peuple?
La réforme constitutionnelle prévoit le passage du régime parlementaire actuel, consacrant la mainmise de l'Assemblée nationale sur le législatif et l'exécutif (c'est l'Assemblée nationale qui vote les lois et nomme le Premier ministre), à un régime présidentiel. Le régime présidentiel prévoit une séparation nette des pouvoirs, dans la mesure où l'exécutif, désormais seulement représenté par le Président de la République, est nommé au suffrage universel. La stabilité à la tête de l'Etat et la continuité du pouvoir exécutif sont assurées dans la mesure où la nomination de l'exécutif n'est pas conditionnée à une éventuelle coalition entre les partis présents à l'Assemblée nationale. Par ailleurs, cette réforme renforce le pouvoir du peuple turc qui désigne un Président de la République investi dorénavant de véritables pouvoirs et qui ne se contentera pas d'un rôle honorifique. En ce sens, le nouveau système proposé est largement comparable à celui de la 5ème République en France.
Alors que l'Europe soutient les Pays-Bas, une grande partie du monde musulman exprime sa solidarité avec la Turquie
La crise entre la Turquie et certains pays européens a atteint un niveau sans précédent. Depuis le refoulement de l'avion du ministre turc des Affaires étrangères des Pays-Bas, les deux pays sont au bord de la rupture diplomatique. En plus de la Hollande, l'Allemagne est également dans le collimateur des autorités d'Ankara pour avoir interdit un certain nombre de meetings dans le cadre du référendum du mois prochain. Alors qu'une partie du monde musulman se solidarise avec le gouvernement de Recep Erdogan, cette crise pose des questions centrales sur l'avenir des relations entre la Turquie et l'Union européenne et cristallise des enjeux brûlants qui agitent le continent.
Pour bien cerner les tenants et aboutissants de cette querelle au plus haut niveau, il faut mettre en perspective le contexte politique des divers protagonistes. Car, à bien observer la situation, il paraît assez évident qu’au delà des déclarations à l’emporte-pièce des uns et des autres, c’est bien des raisons électoralistes qui ont poussé certains acteurs à mettre en scène une crise dans le but d’en exploiter les dividendes symboliques.