Des ONG de Turquie et du Qatar construisent l'un des plus grands orphelinats au monde pour les réfugiés syriens

mardi, 22 mars 2016 21:18

IHHetRAFL’ONG turque Humanitarian Relief Foundation (IHH) en collaboration avec la fondation qatarie Sheikh Thani Ibn Abdullah for Humanitarian Services (RAF) ont annoncé la construction d’un des plus grands orphelinats au monde qui accueillera un millier d’orphelins syriens.

Les initiateurs du projet ont déclaré que cet orphelinat verra le jour dans le courant du mois de Ramadan dans la province de Hatay au sud de la Turquie. Au lendemain du cinquième anniversaire du soulèvement syrien, on estime que plus de 700 000 enfants ont perdu la trace de l’un de leurs parents. De plus, deux millions d'enfants vivent dans des zones où la livraison de l'aide humanitaire est devenue extrêmement difficile. Plus de 2,1 millions d'enfants ne peuvent plus aller à l'école.

Ces chiffres considérables font de la tragédie syrienne l’une de celles qui frappent le plus la population juvénile d’une nation.

Rappel historique

Pour rappel, en mars 2011, le peuple syrien s’est soulevé dans le sillage du printemps arabe contre le régime de Bachar al-Assad. Face à la répression aveugle du régime, ce soulèvement pacifique s’est transformé en conflit armé. Selon l'intellectuel Burhan Ghalioun, l’élément déclencheur de cette militarisation fut la fuite en avant de la répression du régime avec notamment l’usage indiscriminé de la torture et des viols à grande échelle. Cinq ans après l’éclatement d'une révolution prometteuse au départ, le pays est ravagé. Près de cinq millions de Syriens se sont réfugiés dans les pays limitrophes, la moitié des Syriens restée dans leur pays sont des déplacés et le nombre de morts, de blessés et de disparus avoisine le demi-million.

Un complexe parmi les plus grands du monde

IHH et RAF vont ainsi construire un immense complexe destiné à fournir l'ensemble de l’infrastructure civile nécessaire à environ un millier d'orphelins. Il couvrira  l’éducation, le logement, les soins de santé, la nourriture, les vêtements et le soutien psychologique. Cet orphelinat devrait voir le jour durant l'été 2016. 

Le complexe comprendra 35 bâtiments pour les garçons et 20 établissements pour les filles. Il comptera trois écoles, une mosquée, une clinique, un auditorium, un pôle administratif, l’hébergement pour le personnel, un terrain de sport, une air de jeux ainsi que des parcelles de terres pour la culture de plantes afin de sensibiliser les bénéficiaires à la protection de l’environnement. Les maisons sont conçues dans le but de laisser les enfants acquérir la confiance en soi et sentir la chaleur d'une famille. Lorsqu’il verra le jour, ce complexe sera l’un des plus grands du monde et certainement le plus grand du Moyen-Orient.

Axe Qatar-Turquie

Afin de saisir les tenants et aboutissants de la crise syrienne, il nous paraît important de rappeler la place de l’axe Qatar-Turquie dans l'équation stratégique régionale. Dès le début des révoltes arabes, le Qatar a pris position en faveur des soulèvements populaires et s’est mis à dos l’ensemble des forces qui supportaient les régimes autoritaires déchus. Par cette posture qui exprimait un désaccord profond avec l’Arabie voisine qui voyait d’un mauvais œil les soubresauts régionaux, l’émirat s’est isolé dans le Golfe. Dans le même temps, le soutien résolu de Doha au Hamas et à la résistance palestinienne n’a fait qu’augmenter la liste de ses ennemis. Le Qatar a alors fait l’objet d’un ciblage de la part de certains régimes arabes et d’Israël et c’est notamment cette focalisation qui a poussé le nouvel émir du Qatar a se rapprocher de la Turquie qui partageait avec Doha l’essentiel des options diplomatiques sur les grands dossiers régionaux (dénonciation du coup d’Etat en Egypte, soutien au Hamas et parrainage de l’opposition syrienne non djihadiste). Cette situation d’isolement de l'émirat a cependant sensiblement changé avec l’arrivée au pouvoir du roi Salman en janvier 2015. Du fait de la volonté de Riyad de former un front sunnite fort pour affronter "l'arc chiite", les puissances sunnites de la région ont ainsi mis en sourdine leurs querelles ce qui permit à Doha de détendre ses relations avec ses voisins immédiats.

S’agissant de la  Turquie, ce pays est celui qui accueille le plus grand nombre de réfugiés syriens. Dès avril 2011, soit quelques semaines après le début du soulèvement, Ankara a ouvert ses frontières afin d’accueillir ces Syriens fuyant la violence dans les meilleures conditions possibles. Cette posture d’accueil des réfugiés comme des « invités » s’est maintenue tout au long de la crise. Aujourd'hui, la Turquie constitue le premier pays d’accueil de réfugiés au monde avec environ trois millions d'entre eux sur son solLe gouvernement d’Ankara a dépensé plus de 9 milliards de dollars afin de leur offrir les meilleures conditions de vie.

Les réfugiés et les pays du Golfe

Contrairement à certaines déclarations largement reproduites dans les médias, les pays du Golfe ont bel et bien accueilli des réfugiés. Ceux-ci ne sont pas placés dans des camps mais intégrés au sein de la société, avec un visa de résidence puisque le statut de réfugié n’existe pas au sein du Conseil de Coopération du Golfe (CCG). En effet, ces pays ne sont pas signataires de la convention de Genève de 1951 qui a créé le statut de réfugié et qui oblige les pays à accorder l'asile aux personnes fuyant les conflits et les persécutions.

Selon une étude de Françoise De Bel-Air, spécialiste des mouvements migratoires, tous les pays du Golfe ont accueilli des réfugiés syriens. L’Arabie saoudite a accueilli un contingent d'au moins 420 000 personnes, les Emirats arabes unis 242 000, le Koweït 155 000, le Qatar 40 000 et Bahreïn 3 500. Il n’y a pas d’estimation pour le Sultanat d’Oman. Pour le Qatar, le gouvernement  a dépensé plus deux milliards de dollars en soutien humanitaire, principalement destinés aux démunis installés en Turquie.

Quant à l’Iran qui est très engagé aux côtés du régime syrien, il est bon de rappeler que ce pays n’a accueilli aucun réfugié. En revanche, selon un rapport de Human Rights Watch, Téhéran a envoyé des milliers de réfugiés afghans pour combattre aux côtés des soldats de Bachar al-Assad, enrôlés parfois par la force pour participer à cette politique répressive. 

 

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