Dans l’esprit des dirigeants, la saison 2017-2018 devait en effet représenter l’année du succès. Jamais en effet, Paris n’avait disposé d’un effectif aussi riche tant sur le plan sportif que symbolique. Il faut dire que le club avait cassé sa tirelire jusqu'à s'attirer les foudres de ses rivaux qui en appelaient au respect du Fair Play Financier mis en place par l'UEFA pour encadrer les dépenses somptuaires. Le PSG avait alors explosé tous les records avec plus de 400 millions d’euros déboursés en indemnités de transferts faisant de Neymar (220 millions d’euros) et Mbappé (180 millions) les joueurs les plus chers de toute l’histoire du ballon rond.
De la colère
Il ne faut pas faire semblant et le premier sentiment qui anime l’esprit des dirigeants qataris est la colère. Sans vouloir le cacher, le président du club l’a lui même affirmé en déclarant dès la fin du match que « nous sommes très énervés ». Pour Nasser al-Khelaïfi, en plus de la cuisante élimination, c’est aussi une lourde défaite personnelle. Très engagé dans le projet sportif qu’il a grandement contribué à construire depuis plus de sept ans, le quadragénaire est furieux car, au delà des joueurs et de l’entraîneur, c’est aujourd’hui lui qui est sur la sellette.
Après des centaines de millions d’euros dépensés depuis tant d’années, beaucoup risquent en effet de lui jeter un doigt accusateur voire même de réclamer son départ. Il faut dire que son bilan est effectivement loin des attentes : même si le club plane sur le football français de manière insolente depuis 2011 (hormis le dérapage en championnat l’an dernier, le PSG a quasiment tout raflé dans le circuit domestique), la feuille de route initiale lui fixant un succès en Ligue des Champions dans les cinq ans est loin d’avoir été remplie. Pire, plus de sept ans plus tard et près d’un milliard d’euros injecté, le club a fait moins bien ces deux dernières années que lors des quatre saisons précédentes où il s’était au moins hissé jusqu’aux quarts de finale…
Des changements en urgence
Concernant la suite des choses, il est clair que de nombreux changements vont être opérés dans les prochains mois. Il y a d’abord le renouvellement d’entraîneur qui saute comme une évidence. Engagé pour une durée de deux ans à l’été 2016 et comptant sur son expérience d’une triple victoire en Ligue Europa avec Séville (de 2014 à 2016), Unay Emery n’a jamais suscité de véritable enthousiasme et a été largement en deçà des espérances. Mais même si tout le monde s’accorde à dire que l’histoire de technicien espagnol avec le PSG s’écrit au passé, la question centrale qui se pose est celle de savoir quel autre entraîneur sera disposé à le remplacer ?
Les dirigeants doivent en effet penser à un coach qui dispose d’une forte dimension sportive tant en terme d’expérience que sur le plan du charisme afin de gérer au mieux un effectif éclectique. Le problème est qu’après l’avoir identifié, il faudra être en mesure de le convaincre de poser ses bagages à Paris. Avec cette fâcheuse habitude d’avoir muté comme une machine à perdre, le PSG est en effet en passe de devenir un club que les entraîneurs fuient, tellement son histoire est jonchée de mésaventures et désillusions.
L’autre péril que les dirigeants devront gérer avec la grande attention est le cas de Neymar. Si la star mondiale qui a contemplé depuis son Brésil natal où il se soigne la déroute de ses partenaires semble serein, il n’est pas certain que son avenir continue à s’écrire sous les couleurs parisiennes. Certes, les dirigeants se veulent rassurants de même que le père du joueur qui lui aussi semble écarter l’idée d’un départ en fin de saison. Il n’empêche que jamais depuis son installation sur le continent européen, le joueur n’avait été écarté si tôt de la Ligue des Champions. Dans la tête du Brésilien, c’est aussi son rêve de remporter le Ballon d’or qui s’effondre, du moins pour cette année.
En effet, il faut toujours se rappeler que si Neymar a opté pour Paris l’été dernier, c’est d’abord et surtout pour disposer d’un club qui lui soit entièrement dévoué de sorte à décrocher la Ligue des Champions, préalable indispensable pour le sésame du ballon d’or. Pour cette année, cet objectif semble durablement compromis et si on ajoute à cette déconvenue les quelques couacs de son intégration (« Penaltygate », sifflets au Parc, mésentente avec certains joueurs etc.), on peut légitimement penser qu’un projet alternatif pourrait germer dans son esprit. Dans cet éventuel scenario, un départ de la star en direction du Real pourrait arranger les plans des dirigeants madrilènes soucieux de remplacer à court terme Cristiano Ronaldo dont l’âge avancé (33 ans) fait de lui un joueur en fin de carrière.
Quid de la diplomatie sportive du Qatar ?
Certes, on est loin aujourd’hui du divorce entre le PSG et sa star mais il est clair que de nombreuses cartes vont être rebattues prochainement. En plus de la frustration des supporters, la rancœur pouvait se lire dans la mine de l’émir du Qatar qui, présent au Parc hier soir, s’est même éclipsé avant la fin de la rencontre, juste après l’exclusion de Marco Verrati. Cette attitude s’explique par le fait que le chef d’Etat a placé beaucoup d’espoir dans le PSG, particulièrement depuis cet été. Dans son esprit, le club ne répond pas qu’à un impératif sportif mais doit représenter à la face du monde la vitrine réussie de sa diplomatie d'engagement qu’il a contribué à mettre en place depuis une vingtaine d’années.
Pour les dirigeants qataris en effet, l’enjeu est de se placer sur la carte du monde comme un carrefour du sport mondial et un hub de l’entertainment dans un double objectif. D’abord, cette situation géopolitique draine une réputation positive, à l’heure où l’enjeu des perceptions joue un rôle majeur dans la régulation des rapports de force entre Etats. De même, cette dimension du Soft power doit permettre au pays de dégager une image de fraîcheur qui devienne un tremplin de promotion du tourisme, lui-même considéré comme un levier de croissance d’une économie du futur en partie débarrassée de la dépendance aux hydrocarbures. Dans cet esprit, le succès du PSG sonne comme la réussite du pays mais cette dynamique doit s’accompagner d’un récit sportif jalonné de victoires épiques et de célébrations mémorables. Le problème d’aujourd’hui est que le projet du PSG semble en panne et que c’est l’ensemble de l’édifice sportif mené par l’émirat gazier qui est en train de battre de l’aile.
Le dernier sursaut
Dans ces conditions, nous pensons que la décision qui sera prise en haut lieu sera double. En plus des changements impérieux dans le staff (renouvellement d’entraîneur mais également départ de certains joueurs qui ont fait leur temps à l’image de Javier Pastore ou Thiago Motta), le choix sera de confirmer Nasser al-Khelaïfi au poste de chef d’orchestre d’un pari dont on espère qu’il finira par donner du résultat. Dans ce contexte, tout sera fait pour repousser les appétits du Real Madrid et garder Neymar dont la dimension symbolique sert aussi la campagne de promotion du Qatar dans l’optique du Mondial 2022. Ce qui semble se murmurer en coulisses est que cette nouvelle déception n’est pas une fatalité, notamment au regard des récentes évolutions des grands clubs d’Europe. Il a fallu en effet près d’une décennie à Roman Abrahamovic pour remporter la coupe aux grandes oreilles avec Chelsea tandis que Manchester City aux mains du milliardaire émirien Cheikh Mansour ne l’a toujours pas décrochée malgré un investissement de plus d’un milliard et demi d’euros consenti depuis 2009. De quoi laisser un peu de répit à Nasser al-Khelaïfi.