Je suis dans la région depuis une quinzaine d'années maintenant ; je suis membre de la Qatari Businesswomen Association et Conseiller du Commerce Extérieur de la France au Qatar depuis 2014. J'ai vécu longtemps en Arabie saoudite puis suis venue au Qatar. Mon agence Medeis gère la communication d'institutions/entreprises des pays du Golfe lorsqu'elles participent à des événements et conférences internationaux. Nous nous sommes ainsi occupés de la communication du Pavillon Saoudien sur les Expos Universelles depuis 2005, travaillons avec la délégation saoudienne du changement climatique depuis 2012, etc. J'ai fait une "pause business" afin d'intégrer l'ambassade de France à Doha comme Conseiller de Coopération et d'Action Culturelle (2009-2011) et j'ai été en contact avec de nombreuses femmes très actives.
De retour dans le privé, j’ai publié "Qatar Success Stories" (2013) qui présente le "corporate profile" d'une quarantaine d'entreprises et institutions du Qatar car il me semblait que les délégations étrangères avaient assez peu d'information sur les grands acteurs économiques, culturels et sociaux. "Inspiring Women of Qatar" (2015) a pour objectif de montrer que le rôle des femmes est prépondérant au Qatar, qu'il y a des femmes incroyables qui travaillent plus pour l'intérêt général que pour leur intérêt propre. Etant française, j'étais lassée d'entendre des commentaires sur le traitement des femmes dans les pays du Golfe, alors que les personnes qui en parlent et en parlent parfois dans des livres, n'ont aucune idée de qui elles sont et comment elles contribuent non seulement au développement du Qatar mais aussi à son image. Le livre s'adresse donc plus à la communauté internationale et aux journalistes, entre autres, afin qu'ils cessent de juger les gens du Golfe en ce basant sur ce qu'ils voient depuis Paris par exemple.
2. Votre livre présente des profils de femmes actives au Qatar. En occident, nous avons plutôt l’image de femmes qataries dont l’accès au monde du travail est relativement fermé. A quoi est due cette perception selon vous ?
Je crois que le journalisme d'investigation n'existe plus, on va très facilement vers les clichés sans creuser et sans s'intéresser à l'autre côté de l'histoire ; on l'a beaucoup vu dans de récents livres écrits sur le Qatar (je les ai tous lus) qui pour certains sont remplis d'approximations, d'erreurs et de préjugés. Cela vient aussi d'un manque de communication de la part des pays du Golfe. Ainsi, l'Arabie saoudite aussi compte de très nombreuses femmes actives et certaines sont extrêmement puissantes, le roi Abdullah a fait entrer 1/5 de femmes au Majlis Ashura, entre autres réformes pour les femmes. Mais on en parle peu au niveau international.
Une jeune entrepreneuse Qatarie me disait un jour: "parce qu'on est voilée, les gens pensent que les femmes sont soumises ou brimées, c'est notre culture, nos traditions, porter le Hijab ne m'a jamais empêchée d'avoir des idées et de les mettre à exécution!"
Le Qatar soutient l'entreprise et soutient les bonnes idées ; que vous soyez un homme ou une femme, vous obtiendrez le soutien d'une ou plusieurs entités créées pour faciliter l’entreprenariat.
Il est intéressant de noter que à compétence égale, le salaire est le même pour un homme et une femme, alors qu'en France ce n'est pas le cas.
3. Pensez-vous que le train de réformes qui a réussi à améliorer la condition féminine au Qatar se poursuivra encore longtemps ? De même, pensez-vous que le Qatar puisse émerger comme un authentique modèle sur ce sujet dans la région du Golfe.
Je crois que Son Altesse Sheikha Moza a énormément contribué à éduquer les femmes et les hommes de son pays dans ce sens. Il ne peut pas y avoir de retour en arrière. On voit émerger de plus en plus de femmes, de tous les pays du Golfe, car elles sont plus diplômées, plus motivées et bénéficient du parcours de leurs aînées. Les jeunes femmes de 20 ans ont pour beaucoup des mères actives, et elles peuvent trouver de nombreux "role models".