Entretien avec un expatrié français vivant au Qatar : comment apprendre à vivre sous le blocus?

vendredi, 07 juillet 2017 15:37

IMG 5217Depuis maintenant plus d'un mois, le Qatar est sous embargo de la part de ses voisins. L'observatoire du Qatar vous propose un entretien avec un expatrié français installé depuis quelques années dans le Golfe et qui vit actuellement à Doha. Son récit donne des éléments de compréhension sur le nouveau mode de vie auquel sont soumis les habitants du pays. 

1) Bonjour Rayan. Vous travaillez dans une société de construction de BTP au Qatar. Que pouvez-vous nous dire sur la situation nouvelle depuis le blocus de lundi 5 juin dernier ?

Bonjour Nabil. Oui, voilà 3 ans que je suis résident au Qatar. L’embargo imposé par certains pays m’a personnellement très surpris. Pensant au départ qu’il s’agissait d’une brouille bénigne, nous nous sommes vite rendus compte du caractère sérieux des mesures de rétorsion qui étaient en train d’être prises.

Les premiers jours ont vu les rayons se vider de leurs produits, néanmoins la situation est vite revenue à la normale malgré les différentes photos partagées sur les réseaux sociaux laissant penser à une pénurie alimentaire.

2) Est-ce qu'il y a eu de la pénurie ces derniers jours au Qatar ? Dans les discussions que vous avez, existe-t-il un risque de privation dans le pays ?

Il n’y a pas de pénurie au Qatar. Toutefois il est certain que les produits laitiers saoudiens très appréciés au Moyen-Orient ont été remplacés par des produits d’origine turque. Le lait turc est en quelque sorte l’élément symbolique le plus visible caractérisant la situation actuelle du Qatar.

3) Quelle est l'atmosphère générale en cette période estivale ? Les gens sont-ils paniqués ? Perçoit-on une vraie frayeur populaire quant à l'avenir proche ?

L’atmosphère actuelle est au rassemblement notamment ce qui concerne la population autochtone. Les voitures des locaux sont quasi toutes recouvertes du portrait de l’émir (voir photo) qui a connu une véritable résonance nationale. Enfin, de plus en plus de drapeaux qatariens sont accrochés aux maisons symbolisant le soutien du peuple à l’émir actuel.

Traffic in Qatar with poster of Emir Hamad Reuters

 

 

 

 

 

 

4) Qu'en est-il au niveau professionnel ? Est-ce que les chantiers sont arrêtés, est-ce que les projets sont en panne? Où est-ce que la situation économique est sous contrôle ?

Il n’y a pas de panique du tout. Il ne serait pas exagéré de dire qu’un début d’inquiétude de la part de la population expatriée est palpable. Les rumeurs d’une entrée de l’Arabie au Qatar par voie terrestre est ce qui inquiète le plus. Enfin, un autre élément d’inquiétude concerne la solidité de la monnaie locale, avec des rumeurs de pénurie de dollars américains dans certains bureaux de change.

Les chantiers ne sont pas arrêtés, au pire des perturbations sont identifiés. En effet les matériaux de construction utilisés dans le cadre des chantiers de la coupe du monde transitent généralement par le « hub » régional qu’est Dubaï. Les entreprises de travaux ont donc commencé à mettre en place de nouveaux canaux d’importation notamment via les ports maritimes d’Oman ou/et Koweït.

5) Que dit la communauté expatriée française ? 

En discutant avec certains collègues français, l’accusation de soutien au terrorisme est à la fois difficile à comprendre et en même temps inquiétante. Autrement, les services de l’ambassade ont diffusé un message indiquant qu’il n’y a « à ce stade aucun problème d’approvisionnement pour les biens de consommation courante ». Autrement pas de panique de la communauté française.

6) Enfin quelle est l'ambiance dans les mosquées ?

Le mois de Ramadan s'est très bien passé. Rien à signaler de ce côté. Comme à l’habitude au Qatar pendant le Ramadan, les journées de travail ont été réduites permettant de rejoindre son domicile plus tôt qu’à l’accoutumée.

A noter tout de même que les grands « psalmodieurs » et savants d’Arabie Saoudite qui ont pour habitude d’être présents à la grande mosquée de Doha durant le Ramadan ont manqué cette année à l’appel.

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