Le New York Times révèle que les Emirats arabes unis espionnent leurs rivaux grâce à une société israélienne

jeudi, 06 septembre 2018 11:04

merlin 143015073 ece203d5 6b37 4095 a8f6 4f1a841fbf47 jumboLe journal américain New York Times a révélé, vendredi 31 août, une affaire d’espionnage dans laquelle sont impliqués les Emirats arabes unis. Depuis plusieurs années, les dirigeants de cette richissime fédération ont utilisé des logiciels espions du groupe israélien NSO afin d’espionner de hauts responsables d'Etats étrangers. 

Le quotidien américain New York Times a rapporté qu’à l’occasion d’une coûteuse mise à jour de son programme espion nommé Pegasus, de hauts responsables émiriens ont demandé au groupe israélien NSO si leur logiciel était capable d’enregistrer les conversations téléphoniques de plusieurs personnalités. Parmi les personnes visées, l’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, Abdullah al-Khamis (un éditeur de presse basé à Londres) ou encore le prince saoudien Miteb ben Abdallah qui a pendant longtemps occupé le poste stratégique de patron de la Garde nationale du royaume wahhabite.

Quelques jours plus tard, l'entreprise israélienne répondait par l’envoi de deux enregistrements de l’éditeur de presse et ce, dans le but d'attester de l'efficacité de son programme. Depuis, les relations entre les décideurs d'Abou Dhabi et le groupe informatique lié à l'appareil de défense de l'Etat hébreu n'ont fait que se renforcer.

Retour du boomerang

Seulement, suite aux révélations fracassantes du journal américain, ce dispositif intrusif est aujourd'hui dans le collimateur de la justice. Accusé d’espionnage illégal, le groupe israélien NSO, considéré comme l’un des leaders du secteur des logiciels espions, doit faire face à deux procès, l’un en Israël et l’autre à Chypre. Initiés par un citoyen qatarien et par des journalistes mexicains qui ont tous été victimes des logiciels créés par NSO, l'entreprise risque de payer de fortes amendes et voit sa réputation ternie par ce scandale.

L'affaire ne s'arrête pas là puisque c'est au cours des investigations menées dans le cadre de ces deux procès que les enquêteurs ont permis de découvrir des échanges de mails entre les Emirats et l’entreprise israélienne.

Ces révélations ont suscité une levée de boucliers dans les pays du Golfe. L’Etat du Qatar, par la voix de son ministère des Affaires étrangères, a déclaré « qu’il suivait avec grande inquiétude les révélations sur l’utilisation, par des organes gouvernementaux de haut niveau et des personnalités des Émirats arabes unis, de technologies pour espionner des membres du gouvernement qatarien ».

Cyber-espionnage émirien avec l’accord du ministère israélien de la Défense

Grâce à des publicités proposant des bons plans pour le mois de Ramadan, NSO réussissait à installer son logiciel Pegasus sur les smartphones des personnalités visées. Ce mode opératoire redoutable a sans doute permis de piéger bon nombre de cibles, allant de chefs d'Etat étrangers à des dissidents locaux. Même des acteurs théoriquement alliés des Emirats arabes unis, tel le prince saoudien Miteb ben Abdallah al-Saoud, n'ont pas été épargnés. Fils du défunt roi Abdallah, ce dernier qui a occupé pendant des années le poste hautement stratégique de chef de la Garde nationale a fait part de "sa consternation" face à de telles informations. 

Alaa Mahajna, avocate israélienne, estime que NSO est « complice de violation de la vie privée ». Dans un entretien au magazine Jeune Afrique, Andreas Krieg, spécialiste des questions militaires, a déclaré que « NSO n’aurait jamais pu travailler avec les Emirats sans la permission du gouvernement israélien ». Krieg ajoute « qu’ils partagent la peur et la haine de quelque forme d’activisme civil islamique que ce soit. Ils voient tous deux l’islamisme comme la plus grave menace dans la région. » Cet épisode est une nouvelle illustration de la connivence entre Abou Dhabi et Tel Aviv qui, au delà de l'affichage public, fonctionne désormais à plein régime jusqu'à atteindre une coopération soutenue en matière d'intelligence cyber-informatique.

Les Emirats arabes unis accusés de « cyber-espionner» leurs opposants

Le laboratoire canadien de recherche en sécurité informatique CitizenLab, avait lui aussi révélé en mai 2016 une vaste opération de cyber-espionnage visant des opposants émiriens. La chaîne d’information en continu France 24 avait alors donné les détails de cette enquête : de fausses ONG de défense des droits humains, des journalistes fictifs, des comptes Twitter piratés ainsi que des liens Internet piégés ont été créés pour traquer toute voix dissidente interne entre 2012 et 2016. Le rapport canadien avait listé 24 victimes de cette opération. Dans la plupart des cas, ces personnes ont été arrêtées ou condamnées quelques mois seulement après avoir reçu un message sur Twitter ou un lien par mail.

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