La Turquie et le Qatar en pointe
Ces dernières heures, la communauté internationale semble avoir pris la mesure d’un malheur qui a longtemps été confiné dans l’oubli. Du secrétariat général de l'ONU en passant par l'ONG Human Rights Watch, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer une situation que certains qualifient désormais de « génocide » à l’instar du journaliste français Eric Naulleau qui s'est ému dans une récente émission de télévision sur leur sort.
Samedi 2 septembre, l'un des rares États à prendre la parole pour exprimer une position forte a été le Qatar, par le biais de son ministre des Affaires étrangères, cheikh Mohamed Ben Abderahman Al-Thani. Ce dernier a déclaré sur son compte Twitter que « le Qatar condamne fermement les attaques contre les musulmans Rohingyas pendant le jour de l'Aïd ». Il a ajouté que le gouvernement central du Myanmar devait « se conformer au droit international dans la protection des civils" et se mobiliser pour "parvenir à une réconciliation".
Aung San Suu Kyi dans l’œil du cyclone
La détérioration de la condition des Rohingyas a ces derniers jours considérablement ému la communauté musulmane mondiale. La recrudescence des crimes dont elle a été la cible a coïncidé avec la grande fête de l'Aïd al-Adha, première fête du calendrier musulman. Cette configuration a poussé d'autres pays à monter au créneau comme la Malaisie, le Pakistan, l'Iran ou la Turquie. En pointe dans la dénonciation des agissements des autorités de Rangoon, le président turc Recep Tayyip Erdogan n'a pas hésité à qualifier de « génocide » le sort qui est réservé à cette minorité sans défense. Le ministre des Affaires étrangères turc est d'ailleurs en visite au Bangladesh pour estimer les besoins humanitaires dans le but de faciliter la vie aux réfugiés. De même, Ankara a interpellé le gouvernement birman pour directement lui faire part de sa désolation et sa réprobation.
Dans le contexte de cette crise qui semble s’aggraver jour après jour (l’ONU a recensé plus de 100 000 déplacés en l’espace de deux semaines), Aung San Suu Kyi est aujourd'hui la cible de vives critiques de la part de la société civile mondiale. L’ex-égérie des droits de l’homme qui est également le chef du gouvernement birman nie en effet toute implication de son armée dans le drame actuel, accusant même les médias internationaux de propager un « iceberg de désinformation ». Une autre prix Nobel de la Paix, la jeune Pakistanaise Malala Yousafzai lui a répondu en dénonçant il y a quelques jours le silence dont elle faisait preuve et qui n'était pas digne d'une personnalité ayant reçu la célèbre récompense d’Oslo. Beaucoup s'offusquent en effet qu'une prix Nobel de la paix puisse à ce point couvrir les agissements de son appareil militaire et sécuritaire alors que les preuves s'accumulent sur la responsabilité directe des autorités dans le drame qui se joue aujourd'hui dans l'État de l'Arakan.
L'Arabie aux abonnés absents
Quant à l’Arabie Saoudite, une partie de la presse arabe s’interroge sur le silence dont font preuve ses dirigeants devant un épisode qui devrait faire réagir une monarchie qui se présente comme « la gardienne des Lieux saints de La Mecque et Médine », surtout en cette période de grand pèlerinage (Hadj) propice à la solidarité communautaire. Certains ont ironisé sur le fait que Riyad est davantage préoccupée à bombarder les civils du Yémen et à faire le blocus du petit émirat du Qatar que de voler au secours de musulmans persécutés pour leur foi.