Deux tables rondes pour une crise multiformes
Autour de la première table ronde animée par le journaliste Thierry Guerrier, plusieurs spécialistes reconnus pour leur expertise sur la région du Golfe se sont succédés. Hasni Abidi, le directeur du Centre d'études et de recherches sur le monde arabe et méditerranéen basé en Suisse, a centré son intervention sur les dynamiques géopolitiques à l'oeuvre aujourd'hui au Moyen-Orient. Nabil Ennasri, docteur en sciences politiques et spécialiste des pays du Golfe, a pour sa part mis en lumière les raisons sous-jacentes de la tension qui fracture aujourd'hui le Conseil de Coopération du Golfe (CCG). Akram Belkaid, journaliste au Monde diplomatique et pour le site Orient XXI, a de son côté mis en évidence les rôles parfois en retrait de certains acteurs, à l'image de l'Union européenne. Il revenait à Alexandre Adler, historien et expert en géopolitique, de conclure ce premier panel en relevant ce qui, au sein de l'administration de Donald Trump, était de nature à bouleverser les équilibres tant au Moyen-Orient que sur la scène politique intérieure américaine. Cette première table ronde, dense par la qualité des intervenants, a également donné lieu à un échange avec le public.
La deuxième table ronde a orienté ses réflexions autour des échanges économiques à la fois entre les pays du Golfe mais également entre l'Europe et cette région du monde. Autour de Wissam Benichou qui présidait aux débats, l'ensemble des participants (David Rigoulet-Roze, chercheur, Eric Alain des Beauvais, expert financier et Sébastien Wesser, directeur de recherche) a rappelé combien les milieux d'affaires étaient attentifs à la stabilité de la région pour renforcer leurs investissements. Le concept de "co-partenariat" a souvent été évoqué dans le sens où une dynamique de relations fructueuses constitue la meilleure voix pour les différents acteurs afin de relever les énormes défis qui s'annoncent tant au niveau économique que sécuritaire ou démographique.
Une conclusion prometteuse
La conclusion des débats s'est menée en deux temps. Il y a d'abord Ibrahim Sorel Keita qui en tant que directeur du Club géopolitique a rappelé combien le colloque s'était tenu dans de bonnes conditions. Il a également tenu à adresser un message à la diplomatie française en rappelant combien la France était reconnue pour son rôle historique de modérateur dans les conflits, notamment dans le monde arabe.
Enfin, l'évènement s'est terminé par l'intervention attendue de Bertrand Besancenot, l'envoyé spécial du Président de la République française pour la crise du Golfe et dont l'allocution constituait la première intervention publique depuis la prise de sa nouvelle fonction. Dans son discours, ce dernier a tenu à mettre en lumière certains éléments. D'abord, il a rappelé que la région du Golfe était en face d'une "nouvelle donne qui présentait de vrais risques mais en même temps de réelles opportunités". S'agissant de l'état des lieux actuel, il a affirmé que la "situation est toujours bloquée mais qu'elle est moins tendue". Appuyant la médiation koweitienne, le diplomate a également rappelé qu'une persistance de la crise était "préjudiciable pour l'ensemble des acteurs du Golfe, à l'exception notable de l'Iran". Mais en plus de dresser un tableau géopolitique des forces en présence et des dynamiques évolutives dans les différents pays concernés, Bertrand Besancenot s'est permis de divulguer quelques informations inédites. Saluant la signature de l'accord entre les États-Unis et le Qatar dans la surveillance des flux financiers, il a dévoilé que la France et le Qatar étaient en train de préparer un projet de même nature. Le seul petit bémol qu'on pouvait adresser à son discours est qu'il n'a pas, à l'instar du Président de la République qui l'a affirmé au mois de septembre, appelé à la levée du blocus pour les populations civiles. Il est en effet utile de rappeler que cet embargo - dénoncé par une grande partie de la société civile mondiale - a brisé la vie de milliers de femmes, d'enfants ou d'étudiants non seulement au Qatar mais également dans les pays limitrophes.
Avec la présence de plus de deux cents personnes, l'événement qui s'est déroulé dans une atmosphère studieuse et amicale a été une réussite. Ceci est d'autant plus vrai que les espaces permettant une réflexion sereine sur ce genre de crise manquent à l'heure actuelle.
NB : pour celles et ceux qui souhaitent revivre en vidéo le colloque, c'est possible à ce lien : https://www.facebook.com/OpinionInternationale/videos/1538244709593611/