Le Qatar et les Jeux de la Francophonie : une présence gênante ?

samedi, 07 septembre 2013 13:50

q14L'annonce a semé le trouble. Le Qatar participe pour la première fois aux Jeux de la Francophonie qui se tiennent du 7 au 15 septembre dans la ville de Nice. Cette compétition a lieu tous les quatre ans, dans l’année post-Olympiques, et regroupe plus de 3000 athlètes provenant de 54 pays.
Ce qui pose problème est la participation du Qatar dont l'intégration récente dans la famille francophone a fait grincer des dents. En octobre dernier, lors du 14e sommet de la Francophonie organisé à Kinshasa, l’émirat avait en effet été pointé du doigt. Contrairement aux habitudes, Doha avait directement intégré le statut de membre associé sans passer par la case "observateur".
La démarche avait alors offensé ceux qui accusent l'émirat d'entreprendre un lobbying d'Etat trop agressif. Pour se défendre, les autorités qatariennes avaient mis en avant leurs efforts déployés pour la promotion de la langue de Molière. Ceux-ci se déclinent sous trois dimensions :

- l'installation de structures éducatives pratiquant le français comme langue d'enseignement illustrée notamment par l'inauguration en 2008 du lycée Voltaire. Cet établissement franco-qatarien qui accueille des centaines d'élèves vient de vivre une année scolaire agitée. La Mission laïque française qui gère l’établissement a accusé le ministère qatarien d’intrusion inacceptable dans les programmes scolaires. Côté qatarien, on fustigeait un manque de transparence dans la gestion financière. Malgré cette période de tensions marquée par le départ de l’ancien proviseur, le lycée va bénéficier d'un agrandissement afin de répondre à l'afflux de demandes.
- le lancement d'une station de radio francophone, Oryx FM. L'installation de cette radio qui émet quotidiennement depuis 2011 remplace le court espace de radiodiffusion qui était alloué à la langue française dans l’une des radios publiques de l’émirat.
- la décision du ministre qatarien de l’Education d’introduire la langue française en option dans toutes les écoles publiques du pays, initiative saluée par les autorités françaises à laquelle l’ambassade de France à Doha collabore activement.

Ces initiatives ont permis de renforcer la pratique du français dans le pays qui compterait environ 200 000 locuteurs francophones, dont il faut souligner qu’une grande partie sont des expatriés (essentiellement maghrébins et libanais). La proportion est donc relativement faible mais elle reste supérieure à certains pays membres à part entière de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) comme la Bulgarie ou le Rwanda.

Il faut aussi replacer cette participation dans ce qu’il convient d’appeler « la diplomatie sportive » du Qatar. Depuis une quinzaine d’années, l’émirat veut émerger comme l’un des hauts lieux du sport mondial. Cette stratégie vise autant à préparer l’après-pétrole par des investissements massifs dans l’industrie du sport que de placer le Qatar sur la carte du monde. Du fait de la couverture médiatique qu’il suscite, le sport est vu au Qatar comme un vecteur de rayonnement. Tous les maillons de l’échiquier sportif ont été investis : de la formation d’excellence à la naturalisation (parfois abusive) d’athlètes en passant par l’accueil de grandes compétitions (comme le Mondial 2022 de football) ou la mise en place d’un vaste réseau de diffusion via Al Jazeera Sport. En ce sens, après la participation du Qatar aux Jeux Olympiques de 2012 où le pays avait fait sensation en intégrant pour la première fois des athlètes féminines, la présence de sportifs qatariens à ceux de la Francophonie s’inscrit dans cette dynamique censée faire du sport un axe central de leur action publique. Elle se présente aussi comme un prolongement de la volonté qatarienne de faire de l’Hexagone un partenaire stratégique de premier plan.

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