L’une de leur dernière intervention fut l’appel lancé l’été dernier par des centaines de savants et religieux, notamment du Golfe, pour interpeller leurs autorités politiques afin d’agir pour que cesse l’offensive israélienne sur Gaza.
L’Egypte au cœur des attentions
Cette fois-ci, c’est au sujet de l’Egypte qu’un groupe de savants se mobilise suite à la justice d’exception à laquelle sont confrontés les partisans des Frères musulmans et, plus largement, l’ensemble de ceux qui contestent le coup d’Etat de juillet 2013 et plaident pour un retour à la légalité constitutionnelle. Leur action s’est opérée en deux temps.
Il y a d’abord eu le lancement d’un premier appel, nommé « Nida’a Al Kinana » ou « Appel de Kinana » fin mai. Kinana est un terme issu de la tradition arabe, utilisé dans le vocabulaire de Mohamed, Prophète de l’islam, pour désigner la terre égyptienne. Dans ce premier appel qui a été formulé dans la foulée de la première condamnation à mort prononcée par un tribunal du Caire contre l’ancien président Mohamed Morsi le 16 mai, 150 religieux de tout le monde musulman fustigeaient en des termes très durs le caractère expéditif et injuste des peines infligées. Emmené par le savant mauritanien Cheikh Mohamed Al Hassan Al Dedew qui représente l’une des personnalités religieuses les plus connues dans le monde arabe, cet appel pourfendait non seulement les décisions arbitraires des tribunaux mais dénonçait le régime égyptien en le qualifiant d’illégitime. Appelant à renouer avec la légalité constitutionnelle, il mettait en évidence que c’est bien le régime putschiste qui aurait du être traité devant les tribunaux et qu’il fallait mobiliser toutes les forces vives de la nation musulmane pour sauver le peuple égyptien d'un chaos annoncé.
Deuxième appel à destination du roi saoudien
Quelques jours plus tard, dans un second appel surnommé « Nida’a Al Kinana 2 », d’autres savants se sont joints pour relayer leur indignation face à la reconduite des peines capitales contre l’ancien président égyptien et la direction des Frères musulmans. La particularité de ce deuxième texte est qu’il a initialement été signé par 160 religieux (dont certains saoudiens) qui en appellent directement au roi afin de faire cesser l’hécatombe qui s’annonce. Signe des temps, les deux savants saoudiens les plus médiatiques, Salmane Al Awda et Mohamed Al Arifi n’en sont pas signataires et ce, malgré le fait qu’ils gravitent autour de la galaxie des Frères musulmans. Leur absence est certainement due au fait que considérant leur audience – ils sont chacun suivis par plus de dix millions de followers sur Twitter -, le régime saoudien aurait ouvert une grave crise diplomatique avec Le Caire. C’est certainement pour éviter une montée des tensions entre les deux capitales qu'ils ont décidé de ne pas parapher le texte même si leur aversion pour l’actuel pouvoir égyptien est connue. En revanche, d’autres icônes de la scène religieuse saoudienne comme l’érudit Mohamed Moussa Charif, habitué des chaines religieuses, en fait partie.
Un appel signé par des centaines de personnalités religieuses du monde musulman en mobilisant des figures provenant d'Inde, de Turquie, d'Indonésie et même d'Al Azhar. Ahmed Raissouni, vice-président de l’Union internationale des Oulémas dont le Cheikh Al Qardawi est le président et basé au Qatar, fait partie des signataires. L’influent savant yéménite AbdElmajid Zendani, Nawaf Takrouri, secrétaire général des l’association des savants palestiniens de l’étranger de même que des dizaines d’autres instances et structures religieuses l’ont également paraphé.
Réplique égyptienne
Face à une telle mobilisation, le régime égyptien a réagi. Par la voix du ministre des Affaires religieuses, le gouvernement a rejeté ces appels en dénonçant la confusion que les signataires entrainaient entre religion et politique. Craignant les débordements et dans un geste qui ressemble à une grave fuite en avant, le régime a considérablement restreint la pratique rituelle pendant le Ramadan. Ainsi, plusieurs centaines de mosquées ont été interdites de célébrer la traditionnelle prière du soir (tarawih) qui n’est désormais réservé qu’à quelques dizaines de mosquées au Caire et à Alexandrie.