Dans le contexte de la crise ouverte entre le Qatar et ses voisins le 5 juin dernier, les émirats du Golfe semblent avoir fait du continent noir l'un de leurs terrains d'affrontement par procuration. Au début de la crise, Riyad avait ainsi fait pression sur certains de ses partenaires allant jusqu'à user du chantage aux visas pour le pèlerinage pour les contraindre à rompre avec Doha. Cette information, notamment révélée par un article du journal Le Monde, avait beaucoup ému le monde musulman qui ne comprenait pas comment le “Gardien des lieux saints” pouvait à ce point instrumentaliser la carte religieuse au profit d'un différend politique.
De ce fait, plusieurs pays africains ont alors coupé les ponts avec l'émirat gazier. De la Mauritanie au Tchad en passant par le Sénégal où les îles Comores, cette distance avec le Qatar a pris soit la forme d'une rupture des relations diplomatiques, soit celle d'un rappel d'ambassadeur. Néanmoins, ces dernières semaines, la diplomatie qatarie s'est activée pour recoller les morceaux avec plusieurs acteurs importants de la géopolitique de l'Afrique sub-saharienne. Il en est ainsi du Sénégal avec lequel les relations se sont rétablies à la fin de l'été.
Cette visite de l'émir Tamin concerne pas moins de six pays. Il se rend ainsi du 20 au 24 décembre au Sénégal, en Guinée, au Mali, au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire et au Ghana. Cette tournée sera l’occasion de sceller plusieurs accords de coopération dans les domaines du commerce, de l’énergie ou de la coopération culturelle et alimentaire. De même, il sera question avec ces pays de collaboration sécuritaire de sorte à joindre les efforts des différentes parties dans la lutte contre les mouvements extrémistes qui menacent la stabilité de la zone sahélo-saharienne.
Pour préparer cette visite, le Qatar a mis à profit ses différents réseaux en Afrique. Le Maroc, considéré comme l'une des puissances pivot du continent, semble avoir discrètement prêté main-forte à la tournée du souverain. Nul doute que cette visite s'inscrit dans une volonté du Qatar de faire de l'Afrique l'un des espaces géographiques dans lequel il consentira dans un avenir proche à d'importants efforts à la fois diplomatique et financier. À ce titre, l'émir se déplace avec une importante délégation composé de membres éminents du gouvernement et de responsables du fonds souverain, le Qatar Investment Authority (QIA) dont le montant des réserves s'élève à quelques 300 milliards de dollars. Longtemps délaissé, le continent noir qui jouit dans certains pays d’une croissance économique à deux chiffres semble en effet émerger comme une terre riche de ressources et d’opportunités.