Il faut dire que la région du Golfe est l’une des zones ou la question de la protection des droits et libertés est la moins favorable au monde. En plus de la situation déplorable et de quasi-esclavage dans laquelle sont confinés des millions d’ouvriers et d’employés de maison, certains des Etats du Conseil de coopération du Golfe (CCG) n’offrent que très peu de garantie en matière d’émancipation féminine ou de respect des cultes et des croyances.
Ceci étant, il serait faux de loger tous les pays à la même enseigne car il faut dire que l’écart est considérable entre des pays comme le Koweït et le Qatar d’une part et l’Arabie Saoudite de l’autre. Pour le premier, il existe une véritable scène politique dotée d’une opposition crédible avec l’établissement d’un parlement aux réels pouvoirs. Cette exception koweitienne a très bien été étudiée dans l’ouvrage de Carine Lahoud-Tahar qui démontre comment, malgré le rétrécissement du champ politique dû à l’autoritarisme de la dynastie royale des al-Sabah, les différents acteurs de la scène politique ont maintenu vif leur désir de bénéficier de véritables contre-pouvoirs en vue de faire parvenir leurs revendications.
Quant au Qatar, même si certains parmi les plus ardents défenseurs du pays, comme l’éditorialiste Abdallah al-Adhaba, affirment à juste titre que le régime n’est pas une démocratie, le saut qualitatif en matière de promotion féminine, de respect des croyances (ouverture de plusieurs églises dans la décennie 2000) ou d’amélioration du sort des ouvriers en fait peut-être le pays du Golfe où les progrès dans les domaines civil et politique ont été les plus remarqués. C’est du reste ce qu’a récemment affirmé Susan Leah Witson, la responsable de la division Moyen-Orient auprès de l’ONG Human Rights Watch. Constatant comment l’émirat avait transformé la crise du blocus en opportunité d’ouverture, elle a déclaré à l’été 2017 qu’il ne restait au Qatar pour devenir un authentique "modèle" pour le Golfe que d’un avancement réel en matière de garantie du droit d'asile et de protection de la condition ouvrière.
C’est dans ce contexte que Doha s’apprête à rejoindre deux pactes des Nations unies qui permettront au pays d’intégrer des réformes d’ordre social et civil supplémentaires. Il y a quelques jours, le gouvernement a décidé de prendre les mesures nécessaires pour ratifier deux conventions majeures : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques d’une part et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de l’autre. Nés en 1966, ces deux pactes obligent les pays signataires à mener des politiques devant déboucher sur une gouvernance civile respectant les fondamentaux des régimes démocratiques.
Le premier pacte, qui est en principe applicable directement dans les juridictions des Etats signataires dès sa ratification comprend le respect des droits fondamentaux comme le droit à la vie et à la liberté, l’interdiction de la torture et du travail forcé etc. Quant au second, il requiert des États membres qu’ils oeuvrent en vue de garantir le plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels protégés dans le Pacte, notamment le droit au travail, le droit à la santé, le droit à l'éducation et le droit à un niveau de vie suffisant.