Concurrence acharnée
Ces dernières semaines n’ont en effet pas été de tout repos pour la compagnie financée par l’émirat d’Abou Dhabi. En se séparant d’une grande partie de sa direction (le CEO, le directeur financier et le responsable des investissement ont récemment été priés de quitter le groupe), Etihad Airways souhaite se restructurer pour repartir du bon pied. La compagnie accuse en effet des pertes records dont l’une des raisons se trouve dans les mauvais choix opérés ces deux dernières années. En ligne de mire, le rachat l’an dernier d’Alitalia qui s’est avéré un échec patent. Cette acquisition a saigné les comptes du groupe puisque la compagnie aérienne accuse un déficit chronique qui lui fait perdre un million de dollars par jour.
Tirant les leçons de cette situation dramatique pour l’une de ses principales rivales, Qatar Airways a opté pour une politique d’investissement différente, misant d’abord sur les grandes firmes européennes. C’est ainsi que le fleuron de l’aviation qatarie a en 2015 augmenté sa participation dans le groupe IAG (qui contrôle notamment British Airways et Iberia) pour la passer de 15 à 20%. Dans le même élan, il a acquis 10 % du groupe des compagnies aériennes Latam en Amérique Latine et espère renforcer sa présence dans le continent sud-américain en finalisant prochainement l’acquisition de 49% de Meridiana.
La stratégie du réseau mondial de ramifications
Cette diversification des actifs dans des points névralgiques du ciel international se double d’une volonté de consolider l’implantation dans des pays considérés comme centraux au regard de leur positionnement géographique ou de leur intérêt politique. La France figure ainsi parmi les destinations privilégiées et le PDG de Qatar Airways, le bouillonnant Akbar al-Baker, n’en a jamais fait mystère notamment en janvier dernier lorsqu’il a inauguré le luxueux nouveau lounge de sa compagnie à l’aéroport de Roissy. Ces prochaines semaines, Qatar Airways va ouvrir une nouvelle liaison entre Doha et Nice ainsi qu’entre Doha et Lyon. Preuve de son intérêt pour l’Hexagone, elle est en passe de positionner un nouvel Airbus A 380 à Paris pour augmenter sa capacité. Au niveau du fret, elle se renforce aussi avec une rotation supplémentaire entre Doha et l’aéroport de Bâle-Mulhouse dans le but, là aussi, d’offrir davantage de volume pour le transport industriel.
La compagnie veut dans le même temps accentuer sa présence dans les pays émergents et c’est en Inde qu’elle ambitionne de rafler des nouvelles parts de marché. Car le marché indien est florissant et un ordre de grandeur résume à lui seul ce dynamisme : le nombre de touristes voyageant à l’étranger depuis ce pays devrait se hisser au même niveau que celui de la Chine. Autant dire que ce sont des millions de clients potentiels qui sont dans les plans de la direction et cette dernière sait qu’à la clé ce sont des milliards qui sont en jeu. C’est également dans cet optique que Qatar Airways a formulé des demandes auprès des autorités de New Delhi pour obtenir une augmentation significative des droits en nombre de sièges ainsi que l’accès à une demi-douzaine de villes moyennes au fort potentiel comme Mangaluru, Lucknow, Jaipur, Tiruchirapalli, Chandigarh et Madurai. Dans le cadre de ce dispositif qui permet à l’aéroport de Doha de consolider sa place de « hub » mondial de premier plan, le patron de Qatar Airways souhaite créer une nouvelle compagnie régulière en Inde pour desservir des liaisons intérieures. Il souhaite à cette fin se doter d’une nouvelle flotte, notamment une centaine d’appareils à fuselage étroit (type A320). Confiant dans ce pari sur le futur, Akbar al-Baker a récemment souligné : « je ne suis pas d'accord avec ceux qui affirment que le marché indien est saturé. Je pense qu'un pays de 1,3 milliard d'habitants crée au contraire des opportunités pour qu'il y ait plus de compagnies aériennes ».
Un marketing mondial axé sur le sport
« Qatar Airways nous a aidé à faire grandir le FC Barcelone ». Cette phrase prononcée par le vice-président du FC Barcelone Manel Arroyo il y a quelques mois résume l’horizon du mariage entre un mastodonte du transport aérien et un club mythique de football qui se présente comme une marque mondiale de sport. Pendant plus de six ans, les deux acteurs avaient noué un partenariat qui servaient les intérêts de chacun : le FC Barcelone a engrangé un total de 165 millions d'euros et Qatar Airways s’est fait connaître à travers la planète grâce aux prouesses de stars qui arboraient la tenue du « Barça » floqué du nom de la compagnie de l’émirat gazier. Pendant cette période de collaboration, l’une et l’autre ont d’ailleurs changé de dimension. Dotée de cette puissance financière, l’équipe de Lionel Messi a pu muscler son effectif et seulement un an et demi après avoir signé son contrat de sponsoring, la direction du club s’offrait les services de la pépite brésilienne Neymar. L’année d’après, c’était l’attaquant uruguayen Luis Suarez qui signait donnant ainsi à Barcelone le trio d’attaquant le plus « galactique » du monde.
Cependant, la lune de miel est sur le point de se terminer puisque Qatar Airways s’est fait supplanter comme partenaire majeur du club par la société japonaise Ratuken à partir de la saison prochaine. Mais conscient de l’importance du vecteur sportif comme tremplin publicitaire, la compagnie a décidé d’orienter ses efforts vers le sponsoring des grandes compétitions. Il y a quelques jours, elle devenait un sponsor de premier rang de la FIFA qui lui permettra de s’afficher dans les grands rendez-vous mondiaux du ballon rond comme la Coupe des Confédérations 2017, le Mondial 2018 en Russie, la Coupe du Monde Féminine 2019 qui se disputera en France et bien sûr, le Mondial 2022 qui se déroulera au Qatar. Même si le montant n’a pas été dévoilé, on imagine qu’il sera l’un des plus juteux auquel la FIFA n’a jamais souscris, cette dernière précisant qu’il constituait l’un « des plus gros contrats de sponsoring sportif au niveau mondial ». Au même moment, la Formula E annonçait la signature d’un autre partenariat toujours avec la compagnie aérienne. concernant les ePrix de Paris et New York. Dans le cadre de cet accord, la compagnie aérienne devient le Partenaire Titre (Naming) de l’étape française qui se tient le 20 ami et devient par la même occasion « Qatar Airways Paris ePrix » pour 2017. Cette course au partenariat, malgré son montant qu’on imagine coûteux ne semble dissuader la direction du groupe. Celle-ci demeure confiante et met en avant ses « fortes performances financières » : l’an dernier, son bénéfice net a quadruplé s’élevant à 1,6 milliard de rials (397 millions d’euros).