17 000 délégués provenant des quatre coins de la planète sont attendus pour cette grand-messe de l’écologie qui s’étale sur deux semaines avec l’objectif délicat de renforcer une coopération internationale au point mort depuis l’échec du sommet de Copenhague de décembre 2010.
A Doha, une industrie de la conférence
Cette conférence arrive à une période où l’émirat ne cesse de bousculer l’échiquier politique régional. Souhaitant apparaître comme un lieu privilégié des règlements des conflits et longtemps considéré, au moins jusqu’à l’avènement du Printemps arabe, comme un médiateur des différentes lignes de fracture au Moyen-Orient (accord de Doha pour le Liban en 2008, « processus pour le Soudan » sur la question du Darfour, réconciliation inter-palestinienne, etc.), le Qatar a ajouté à son dispositif diplomatique cette volonté de devenir un lieu stratégique de rayonnement intellectuel.
Depuis plusieurs années, c’est le monde entier qui se croise à Doha et le pays a développé une forme d’industrie des conférences qui en fait un des endroits au monde les plus prisés pour l’organisation de colloques.
La liste des évènements qui s’y déroulent donne la mesure de cette nouvelle dimension : ces derniers mois, le congrès de l’Union postale universelle, la conférence de l’ONU sur l’Alliance des civilisations, le congrès international du pétrole, ne sont que quelques uns des moments qui ont vu défiler dans l’émirat les principaux décideurs de la planète.
Cette stratégie du « marketing mondial de positionnement », tel que définie par le professeur Loïc Ravenel, prend désormais un accent de plus en plus fort.
En plus de la réunion de l’opposition syrienne, le pays a aussi reçu en ce mois de novembre le quatrième sommet Wise (World Innovation Summit for Education) dont il est l’initiateur. Véritable Davos de l’éducation, cette plateforme a réuni des centaines de professionnels pour plancher sur l’innovation dans les techniques de l’enseignement ou les moyens d’arriver à une scolarisation universelle.
Faire du Qatar un pivot du monde arabe
C’est dans le cadre du Qatar National Vision 2030, feuille de route des dirigeants de l’émirat, et de la stratégie du « soft power » dont le pays est devenu l’un des meilleurs représentants qu’il faut saisir cette volonté affichée de s’affirmer sur la scène internationale.
Dès sa prise de pouvoir, l’émir Hamad souhaite sortir son pays de l’anonymat et le situer sur la carte du monde. Tous les leviers de l’action publique vont être convoqués pour atteindre cet objectif d’apparaître comme un modèle pour le Golfe et un pivot du monde arabe.
Al Jazeera ne sera pas le seul élément mobilisé dans cette équation. En plus d’être devenu célèbre par ce média « mainstream » (dont on attend dans un futur proche la déclinaison en français), le pays va aussi concentrer ses efforts dans le sport, la culture et faire de sa capitale un passage obligé du gratin mondial.
Avec les résultats que l’on connaît : en plus d’être devenu le premier pays acheteur de biens culturels de la planète en 2011, le pays vient de confirmer qu’il se porterait de nouveau candidat pour l’organisation des Jeux olympiques de 2024. Soit deux ans après un Mondial de football qu’il doit accueillir à domicile et qui constituera une forme d’apothéose d’une politique destinée à conquérir les esprits.
Travailleurs précaires et émissions de gaz
L’envers du décor est pourtant moins attirant que ne peut l’être la première impression d’atterrir dans cet Etat du futur. L’hyper-croissance du Qatar (plus de 20% pour l’an 2012) ne s’est pas faite gratuitement. A plusieurs reprises, les organisations de défense des droits de l’homme ainsi que la Confédération syndicale internationale ont protesté contre le statut précaire dans lequel étaient confinés les centaines de milliers de travailleurs originaires du sous-continent indien qui portent le Qatar à bout de bras.
L’autre critique cible la contradiction d’avoir octroyé l’organisation de la COP18 au pays qui détient le triste record de champion du monde d’émission de gaz à effet de serre par habitant, d’autant que le Qatar avait été désigné aux dépens de la Corée du Sud, qui figure parmi les bons élèves en la matière.
Dans les allées de l’imposant Qatar National Convention Center qui accueillera une partie des travaux de la conférence, le choix du Qatar pourra donner lieu à deux interprétations :
- les plus optimistes y verront un pas du Qatar dans sa volonté de freiner un développement économique ravageur pour l’environnement ;
- d’autres observateurs constateront plutôt une nouvelle démonstration de la diplomatie du carnet de chèques d’un micro-Etat qui ne sous-estime aucun domaine d’activité pour exprimer son désir de puissance.