Un nouvel Emir au Qatar

samedi, 18 mai 2013 02:00

Sans titre 2Mardi 25 juin 2013, le Cheikh Hamad Al Thani a transmis ses pouvoirs à l'un de ses fils, Tamim. Le nouvel émir du Qatar est le quatrième fils qu'il a eu avec sa deuxième épouse. A 33 ans, qui est celui qui va contrôler la superpuissance économique d'un pays pas plus grand que la Dordogne mais aux ressources financières incalculables ? Le Qatar est devenu un acteur majeur de nombreux secteurs d'activité dont les courses hippiques. Interview d'un spécialiste du sujet, Nabil Ennasri, auteur de "L'Enigme du Qatar" (Ed. Armand Colin).

EQUIDIA : Cette transmission du pouvoir qui est advenue au Qatar le 25 juin 2013 n'est pas vraiment une habitude dans le Golfe?

Nabil Ennasri : On peut même dire que c'est exceptionnel. Dans la tradition du Qatar comme dans tous les pays du Golfe, c'est la première fois qu'un souverain quitte le pouvoir de son plein gré. C'est révolutionnaire dans le symbole mais c'était aussi attendu car l'Emir Hamad Al Thani l'avait déjà annoncé il y a deux ans et demi dans une interview accordée au Financial Times. Le fait que la santé de l'Emir Hamad soit chancelante en raison de son diabète n'a rendu que plus nécessaire cette transmission du pouvoir pour éviter que d'autres ne s'en emparent.

EQUIDIA : Pourquoi ce choix de Tamim?

N. E. : Il est le quatrième prétendant dans l'ordre de succession. Son père l'a désigné depuis août 2003 et lui a accordé depuis de plus en plus de responsabilités politiques. C'est dans le domaine du sport que Tamim a fait ses armes. Le Qatar lui doit la Coupe du Monde de football en 2022. C'est aussi lui qui a porté son choix sur le PSG. Ces dernières années, il a été davantage impliqué dans la politique et la diplomatie, notamment en 2011-2012 avec la crise libyenne. C'est lui qui a pensé la diplomatie qui sera celle du Qatar à l'avenir dans le projet Qatar National Vision 2030 : une économie florissante, une position mondiale centrale au niveau diplomatique et des avancées socio-culturelles.

EQUIDIA : Que sait-on de la personnalité du nouvel émir?

N. E. : Pas grand chose en fait. Comme tous les membres de la famille royale au Qatar, il cultive la discrétion. C'est en tout cas un polyglotte qui parle arabe, français et anglais couramment. Il a 33 ans, il vit avec son temps mais il est bien conscient d'être le chef d'un pays conservateur. Son père était un progressiste, il est dans cette même trajectoire. L'objectif est de rester en pointe, de pratiquer un islam d'état qui accueille la modernité. C'est l'un des pays du Golfe où la condition féminine est la plus avancée : les femmes ont le droit de vote, font des études, travaillent, occupent même des postes à responsabilités mais la polygamie et les tenues vestimentaires restent traditionnelles.

EQUIDIA : Les investissements du Qatar se concentrent en France et en Angleterre. L'un des pays risque-t-il d'être avantagé avec le nouvel émir?

N. E. : Ce qui est sûr, c'est que Tamim Al Thani est un occidentophile. Il a fait ses études en Angleterre avec qui il y a des liens forts puisque c'était le protectorat historique. Avec la France, c'est la charge symbolique qui le lie à ce pays qui possède des atouts culturels mais aussi politiques puisque la France possède la force nucléaire et est membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU. L’Angleterre a toujours une longueur d'avance mais la coupe du monde va apporter de nombreux contrats aux entreprises françaises déjà très bien implantées au Qatar.

EQUIDIA : Tamim Al Thani laisse donc le sport de côté?

N. E. : Au contraire, le sport est un vecteur de développement de l'influence du Qatar. Les crédits pour le PSG pourraient même encore augmenter pour en faire la plus grande équipe du monde.

EQUIDIA : Et pour ce qui est des sports hippiques?

N. E. : Le cheval, c'est le péché mignon des familles du Golfe. Le cheval est un symbole fort dans l'imaginaire des populations du Golfe qui se déplaçaient avec les chevaux ou les chameaux. Le cheval fait l'objet d'une fascination chez ces populations : c'est à la fois une nostalgie et une valorisation des valeurs traditionnelles. C'est un secteur éminemment concurrentiel entre les familles du Golfe et entre les membres d'une même famille. C'est une activité passionnelle qui les pousse à dépenser des sommes folles pour avoir les meilleurs chevaux ou se réserver les services des meilleurs jockeys. Et cela devrait durer car la mesure de la fortune de la famille royale est colossale. C'est la politique du "soft power" qui réside là-dedans et qui est la politique pratiquée par Tamim Al Thani. A travers le sport, et le football en premier lieu car c'est le sport roi dans le monde, le Qatar obtient une reconnaissance internationale. Le cheval, au travers des courses hippiques, permet de créer un terrain concurrentiel au sein des familles du Golfe et s'il y a bien une chose que le Qatar aime, c'est être le premier devant les autres familles royales.

 

Nabil Ennasri est un spécialiste du Qatar. diplômé de l'institut d'Etudes Politiques d'Aix en Provence.

Interview réalisée par Céline MAUSSANG

Source : http://www.equidia.fr/Courses-hippiques/News-hippiques/Un-nouvel-Emir-au-Qatar

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