Ces accusations avaient été initialement publiées par le journal britannique The Independent en 2012. Le journal a ensuite rendu public un communiqué officiel et a présenté ses excuses en déclarant : « Nous tenons à préciser que ni M. Ghannouchi, ni son parti n'ont accepté un quelconque don d'un État étranger en violation de la loi tunisienne sur le financement des partis ». Dans son arrêt rendu le 28 mai 2014, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé qu’une telle publication était de nature diffamatoire et contrevenait à l'obligation de fournir des informations fiables et complètes. Le tribunal a en outre rejeté une série d'arguments avancée par la défense.
L’éditeur Michel Lafon a donc été interdit, et avec effet immédiat, de reproduire les dites allégations « diffamatoires » et condamné à verser à M. Ghannouchi un montant correspondant à ses frais de procédure ainsi qu’à des dommages et intérêts. Suite au jugement, le plaignant a déclaré: « Je suis heureux que le tribunal a considéré ces allégations comme fausses. Je salue le fait que le jugement ait pu remettre les pendules à l’heure et préciser que ni moi, ni mon parti n’avons accepté un quelconque don d'un État étranger ».
Cette affaire est symptomatique du lourd climat qui a caractérisé beaucoup d’écrits sur le Qatar en France. De nombreux auteurs ont surfé sur la vague d’un Qatar présenté comme un émirat à l’ambition tellement dévorante qu’il était prêt à soudoyer n’importe quel interlocuteur. L’ouvrage de Christian Chesnot et de Georges Malbrunot est d’ailleurs révélateur de cet état d’esprit puisqu’il débute par une affaire mettant en scène un diplomate arabe refusant une avance de corruption d’un officiel qatari. Sans apporter la moindre preuve de leurs allégations, les auteurs qui ont fait un usage immodéré du conditionnel ont copieusement agrémenté leur essai de ce genre d’anecdotes. C’est donc d’une certaine manière cette méthode consistant à relayer des informations non vérifiées ou accusant des personnalités sans preuves qui a été sanctionnée par la justice. Même si on peut comprendre la volonté de « préserver ses sources » propre à la fonction de journalistes, on ne peut que rester mal à l’aise face à la propension quasi systématique des auteurs de ne jamais faire mention des origines de leurs informations.
L’inconvénient avec ce genre d’histoires est que la condamnation par la justice arrive un peu tard. Entre temps, la couverture médiatique en France autour du Qatar a eu le temps d’imprégner dans l’esprit d’une grande partie de l’opinion que l’émirat ne connaissait que l’usage de la « diplomatie du carnet de chèques ». Certes le Qatar n'est pas exempt de reproches. Les griefs légitimes à son endroit ne manquent pas et à force d'investissements tapageurs, il est même en partie responsable de ce retour de bâton. Néanmoins, entre la critique légitime et le procès d'intention, il y a un pas que beaucoup franchissent allègrement. En ce sens, cette décision de justice apporte un coup de frein salutaire à toutes celles et ceux qui seraient tentés, par opportunisme ou volonté d’en découdre, de se cacher derrière des supputations pour faire passer des contre-vérités.