Respectivement princes héritiers d'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis, ces deux hommes (surtout MbZ) sont à l'origine de la brouille avec le Qatar démarrée en juin dernier. Cette crise, la pire que le Conseil de coopération du Golfe (CCG) a eu à affronter depuis sa naissance en mai 1981, a largement fracturé les tissus sociétaux des différentes principautés de la région tout en malmenant les efforts visant à lutter contre le fléau du radicalisme sur l'ensemble du Moyen-Orient.
L'Iran, grand vainqueur de la crise
C'est donc certainement pour mettre un terme à ce chapitre de tensions que le président américain a tenu à parler directement aux plus hauts responsables des pays concernés. Cet engagement de Donald Trump est certainement à mettre en relation avec le fait que de plus en plus d'observateurs font remarquer que cette affaire du blocus doit rapidement se clore au risque de continuer à faire le jeu de l'Iran. Considérée comme la bête noire de la région et comme le foyer majeur du terrorisme régional aux yeux de l'administration américaine, l'influence grandissante de Téhéran est également dans le collimateur de la diplomatie saoudienne qui en a fait l'axe central de sa doctrine. Cependant, près de neuf mois après le début du conflit avec le Qatar, force est de constater que l'Iran est sorti grand vainqueur de cette confrontation, Doha se tournant notamment vers son grand voisin du nord pour s'approvisionner en denrées de base et compenser la fermeture des frontières terrestre, aérienne et maritime décidée par le Quartet (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Bahrein, Egypte).
De même, les positionnements tactiques de l'Iran sur les sujets sensibles du Moyen-Orient ont, ces dernières années, quasiment tous été couronnés de succès, Téhéran jouant désormais le rôle d'Etat-pivot aussi bien dans les théâtres syrien, libanais qu'irakien. Cette configuration positive tranche avec les maigres résultats obtenus par les "puissances sunnites" arabes rivales au premier rang desquelles l'Arabie saoudite dont le bilan en matière stratégique semble désastreux, notamment au Yémen où Riyad peine à imposer ses vues au prix d'une guerre au bilan humain dramatiquement lourd.
Le sommet de la réconciliation?
Au cours de son appel téléphonique, Donald Trump a également lancé une invitation au cheikh Tamim ben Hamad al-Thani pour se rendre aux Etats-Unis dans les prochaines semaines, invitation à laquelle le jeune monarque a répondu positivement. Selon toute vraisemblance, un voyage est donc prévu courant avril, ce qui pourrait coïncider avec la présence sur le sol américain de Mohamed ben Salman. Ce dernier s'apprête en effet à faire une longue tournée aux Etats-Unis dans un voyage qui sonne comme une opération marketing destinée à "vendre" son projet de développement aux élites Outre-Atlantique et raffermir sa stature d'homme d'Etat dans un contexte où son exercice du pouvoir est de plus en plus critiqué du fait de l'autoritarisme croissant dont il fait preuve. Pour certains analystes, la présence aux Etats-Unis des deux monarques, auxquels il faudrait ajouter Mohamed ben Zayed, pourrait être l'occasion pour Donald Trump d'inviter les trois frères ennemis à s'asseoir autour d'une même table et de signer les termes d'un accord qui permette à chacun de sauver la face.