Ce que la réforme va changer
Selon la nouvelle règlementation, « les enfants nés de mères qataries mariées à des étrangers vont bénéficier de ce statut » ainsi que ceux « ayant rendu service au Qatar » ainsi que les étrangers dont « les compétences peuvent bénéficier au pays ». Une commission du ministère de l'Intérieur aura pour tâche de réceptionner les demandes et de statuer sur les cas des bénéficiaires, a également précisé le texte.
Les privilèges ouverts par ce nouveau cadre sont loin d’être négligeables. A l’instar des titulaires de la nationalité qatarie, les récipiendaires auront droit à la gratuité dans l’accès aux soins et à l’éducation. Ils seront aussi prioritaires dans les nominations aux fonctions dans l’armée et la fonction publique, secteurs qui constituent généralement les principaux débouchés pour les jeunes nationaux arrivant sur le marché du travail.
Plus besoin du fameux « sponsor »
Dans un pays où l’accès à la propriété reste strictement régulé pour les étrangers, la nouvelle loi permettra aux heureux élus de devenir propriétaires de biens immobiliers et d’engager certaines activités commerciales sans avoir besoin d'un partenaire qatari généralement appelé « sponsor ». Par ce dispositif de « sponsorship » (ou « kafala » pour sa terminologie en arabe) commun à tous les pays du Golfe, le droit local obligeait n’importe quel résident étranger à trouver un parrain pour bénéficier du permis de résidence, sésame indispensable pour vivre, travailler ou lancer une entreprise dans l’émirat. Cette pratique a souvent été décriée par les organisations de défense des droits humains car elle légalisait une logique de subordination entre le sponsor et son « client ». Responsable de multiples abus (le sponsor pouvait confisquer les passeports de ses obligés en toute impunité et moyennait parfois ses services à des tarifs exorbitants), le système de sponsorship a officiellement été aboli en décembre dernier par le gouvernement. Mais même si les progrès sont réels ces dernières années, certains observateurs notent que Doha est encore loin de satisfaire aux standards internationaux en la matière.
Un pas en avant dans un contexte de crise
Même si la naturalisation, procédure rarissime au Qatar et dans les autres pays du Golfe, reste hors de propos, l’information a été reçue favorablement par de nombreux expatriés. Certes, il ne fait guère de doute que la masse des travailleurs du bâtiment (essentiellement originaires du sous-continent indien) ne sont pas concernés mais nombreux sont ceux qui, des expatriés occidentaux en passant par les résidents arabes vivant dans l’émirat depuis plus de vingt ans, peuvent espérer bénéficier à court ou moyen terme du nouveau statut.
De même, il n’est pas anodin que la décision du Conseil des ministres tombe deux mois après le début du blocus. En effet, l’embargo a mis dans la difficulté de nombreuses familles vivant à cheval entre le Qatar et les pays du « Quartet ». Ainsi, de nombreuses femmes qataries mariées ou divorcées avec des Saoudiens, Emiriens et Bahreïnis vivent aujourd’hui des situations dramatiques puisque les pays du blocus ont intimé à leurs ressortissants vivant au Qatar de rentrer au pays. Puisque dans la région, le droit du sol n’existe pas, que la double nationalité est interdite et que les enfants disposent généralement de la nationalité du père, ces derniers connaissent aujourd’hui une situation juridique inextricable. Ces cas d’enfants à la nationalité « suspendue » ne sont pas rares et les missions d’ONG de défense de droits humains (tels Human Rights Wacth qui a consacré un rapport) tout comme le Comité national qatari pour les droits de l’homme ont récemment fait état de centaines de personnes qui souffrent de situations administratives toutes aussi épineuses. En octroyant la nationalité à ces enfants, le Qatar souhaite soulager ces familles tout en « remerciant » certains étrangers pour leurs compétences apportées au progrès du pays ou pour leur offrir un cadre juridique plus approprié eu égard au temps passé dans l’émirat.