Des réformes en profondeur
"Nous savons qu'il y a encore beaucoup à faire, mais nous faisons des progrès significatifs", a déclaré al-Khulaifi dans un communiqué. Parmi ces nouvelles directives, les entreprises devront payer les salaires dans un délai de sept jours et ce, par voie électronique afin de faciliter leur versement. Le travail à l'extérieur entre 11h et 15h30 est également interdit pour la période s'étalant de la mi-juin à la fin août. Par ailleurs, le ministère a annoncé l’augmentation du nombre d’inspecteurs du travail ainsi que la création d’un système de réclamation informatique multilingue. S’agissant des conditions de vie, le dispositif comprend la construction de logements pouvant accueillir jusqu'à 150 000 travailleurs dans la ville de Barwa Al Baraha.
« Les réformes annoncées en mai remplaceront le système de la kafala avec un contrat moderne entre le travailleur et l’employeur», a aussi mentionné le communiqué. Le ministère s’attèle activement à lutter contre les abus avant l'arrivée des nouveaux travailleurs au Qatar et veut limiter le recours à des intermédiaires peu scrupuleux. Le ministère du Travail a ainsi félicité la récente décision de l'ambassade du Népal d'interdire 55 agences de recrutement qui exploitaient des candidats à l’immigration.
Une pression internationale qui semble ne pas s’arrêter
Mais la pression sur le Qatar semble ne pas vouloir s’arrêter malgré ces avancées. Une nouvelle enquête menée par The Guardian publiée le 28 juillet révèle qu’une douzaine d’ouvriers n’ont pas été payés depuis treize mois. Ils travaillaient dans les bureaux occupés par le Comité suprême d'organisation de la Coupe du monde 2022. Ceux-ci sont situés dans un luxueux gratte-ciel connu sous le nom de la Tour de Football. Suite à ces révélations, le vice-président de la FIFA, Jim Boyce est monté au créneau et a demandé au Qatar qu’il garantisse le paiement des salaires au plus vite. Cette affaire survient quelques jours après que le président de la FIFA Sepp Blatter, et son secrétaire général, Jérôme Valcke, aient rencontré l'émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, afin de discuter des préparatifs de la Coupe du monde. La visite a aussi porté sur l’épineuse question des réformes du droit du travail afin d’assurer le bien-être des travailleurs migrants. Pour éteindre le début d’incendie médiatique provoqué par les révélations du journal britannique, le Comité s’est défendu en pointant du doigt la société incriminée, Lee Trading and Contracting. Trompés par la promesse d'une vie meilleure, des immigrés venant du Népal, d'Inde et de Sri Lanka ont été abandonnés par cette compagnie. Par conséquent, ces travailleurs se retrouvent piégés à Doha sans argent, ni passeport.
Le Comité suprême d’organisation prend ces allégations de violations de la réglementation du travail très au sérieux. « Depuis que nous avons introduit notre candidature pour accueillir la Coupe du monde, nous avons travaillé sans relâche pour assurer et améliorer le bien-être des travailleurs et être un catalyseur pour un progrès social durable. Bien que les défis d'un marché du travail globalisé ne puissent être résolus du jour au lendemain, nous faisons des progrès importants, renforçons les systèmes de surveillance et en assurerons leurs applications. Le Comité ajoute: "Nous condamnons vigoureusement le comportement de Lee Trading dans le cadre du traitement de ces travailleurs et allons continuer de faire pression pour une solution rapide et équitable pour tous".
Des enquêtes anodines?
Une autre affaire vient encore noircir le tableau, révélée ce jeudi par The Guardian ; des ouvriers travaillant sur le chantier d’un stade seraient payés 6 euros par jour et 57 cents par heure supplémentaire. Le quotidien britannique révèle que les fiches de paie montrent qu’une centaine d’ouvriers auraient travaillé jusqu’à 30 jours par mois. Citant certains d’entre eux, le journal affirme que les passeports leur auraient aussi été retirés par leur manager et ce, en contradiction avec la charte émise en mars 2013 par les organisateurs du Mondial 2022.
Suite à ces différentes polémiques, le Comité suprême a vivement réagi rappelant sa détermination à faire le ménage. Doha est en effet bien décidée à mettre fin à ces révélations qui viennent ternir sa réputation. Dans cette optique, la Qatar Foundation, l’une des institutions les plus réputées de l’émirat présidée par la mère de l’émir, Cheikha Mozah, a commandé un rapport sur les abus subis par les travailleurs étrangers qui construisent les infrastructures du Mondial 2022. Le document, rendu public le 13 juillet, a dans des termes très vifs remis en cause les procédures de recrutement des ouvriers et a formulé une série de recommandations. Mais l'inconvénient avec ce rapport comme avec tous les autres mémorandums publiés pour améliorer le sort des ouvriers est qu'ils ne précisent pas de calendrier. C'est d'ailleurs l'une des principales tares que l'on peut relever : animé de bonnes volontés et s'activant afin de désamorcer la pression internationale qui pèse sur lui, le gouvernement ne mentionne pas sur quelle temporalité ces mécanismes de protection seront effectivement mis à éxécution.
A l’approche de la publication par la Chambre d'investigation de la Commission d'éthique de la Fifa de l’enquête visant les conditions d'attribution des Mondiaux 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar, tous les projecteurs sont fixés sur l’émirat. Il n’est donc pas anodin de voir les révélations se multiplier. Néanmoins, comme le mentionnait récemment l’économiste Pascal Perri, l’on peut s’interroger sur le bien-fondé de ces enquêtes à répétition de la presse anglo-saxonne qui pourraient n’être pas uniquement motivées par le respect des droits de l’homme. En effet, l’Angleterre et l’Australie, finalistes malheureuses pour l’organisation des Mondiaux 2018 et 2022 continuent à plaider officiellement pour une remise en cause du vote. La charge de certains médias de ces deux pays ne serait donc pas complètement innocente.