La querelle du calendrier
Sur ce sujet, on semble donc cheminer de manière définitive vers un changement de date. Même si les propos de "Sepp" Blatter ne relèvent pas encore d’une décision officielle du comité exécutif de la Fifa, le fait qu’elle ait été formulée par celui qui règne sur le football mondial lui donne un poids considérable.
De toute façon, il fallait se rendre à l’évidence ; avec des températures caniculaires aux mois de juillet et août, un Mondial en été dans l’Émirat était du domaine du quasi-impossible. Il n’y avait donc que des mauvais choix à l’horizon. Le garder en été, c’était faire courir des risques sanitaires aux joueurs et aux supporters. Mais le déplacer en hiver n’est pas non plus la panacée.
Outre la grande méfiance des dirigeants du CIO (Comité international olympique) qui redoutent qu’un Mondial en hiver ne fasse de l’ombre aux JO d’hiver, il y a aussi la question du chamboulement des calendriers de certains championnats, notamment européens. Si des pays comme l’Allemagne où l’on joue peu dans les périodes hivernales verraient plutôt d’un bon œil cette nouveauté, il n’en est pas de même pour d’autres comme l’Angleterre.
En effet, la terre de naissance du football est très attachée à son traditionnel Boxing day, série de matchs qui se jouent fin décembre et qui risque ainsi d’être annulé. Dernière chose, certains annonceurs ne sont pas ravis de voir l’un des événements sportifs les plus suivis (et donc les plus rentables) changer de période. Alors que le moment estival est connu depuis toujours comme étant celle de la Coupe du monde de football, certains droits télévisés ont déjà été achetés et programmés sur la base d’un tournoi en juin et juillet.
Dès lors que l’on change de saison, l’appétence, la grille des programmes comme l’intérêt des téléspectateurs pour ce genre de compétitions ne sont pas les mêmes. Certains grands réseaux de diffusion aux États-Unis ont même annoncé vouloir saisir les tribunaux pour obtenir réparation.
Enfin, il faut aussi prendre en considération les acteurs du football mondial qui font du lobbying afin de revenir sur l’attribution du Mondial. L’Australie, finaliste "perdante" de l’attribution du Mondial 2022 redouble d’efforts afin d’aboutir à un nouveau vote et semble prête à "récupérer" cette polémique pour parvenir à ses fins.
Les soupçons de corruption
C’est l’autre sujet qui revient quand on évoque cette question. Terni par des allégations de corruption, le Mondial au Qatar a récemment fait l’objet d’un rapport de 350 pages rédigées par Michael Garcia, président de la chambre d’instruction de la commission d’éthique de la Fifa.
Chargé de faire la lumière sur l’un des sujets les plus sensibles de l’histoire de l’institution, son rapport a été remis le 5 septembre dernier non sans avoir subi quelques retards intempestifs. L’investigation de Michael Garcia est aujourd’hui aux mains de Joachim Eckert, patron de la chambre de jugement de la commission d’éthique. C’est vers lui que les yeux du monde se tournent car à la suite de son appréciation, il peut soit imposer des sanctions soit laver Doha de tout soupçon.
Même si son avis ne sera connu que dans quelques mois, on s’attend à des déclarations voire à des fuites qui pourront donner une indication de l’épilogue du "Qatargate". Selon le "Sunday Times" qui suit l’affaire de près, on s’acheminerait plutôt vers une sortie de crise qui exonère l’émirat du nuage d’allégations dont il est la cible. Pour faire preuve du maximum de transparence, certains au sein de la Fifa ont même plaidé pour que le rapport Garcia soit rendu public.
Cette publication serait une bonne chose car, traînant une sulfureuse réputation, la Fifa pourrait ainsi redorer son blason auprès de l’opinion en dévoilant l’envers du décor d’un Mondial qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Pour le Qatar, ce serait aussi une manière d’entrevoir le bout du tunnel et de se voir disculpé d’un procès d’intention qui a démarré dès le soir du 2 décembre 2010, date de l’attribution à Zurich des Mondiaux 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar.
La question des ouvriers
On ne peut évoquer le Mondial au Qatar sans en faire référence. L’an dernier, une enquête du quotidien britannique "The Guardian" avait suscité un tollé général.
On apprenait que du fait des conditions de vie extrêmement précaires, des centaines d’ouvriers avaient laissé leur vie sur les chantiers de la Coupe du monde. Du travail forcé à la confiscation des passeports, des températures infernales à la promiscuité des lieux de vies, le dur quotidien des centaines de milliers de travailleurs qui vont permettre au Qatar d’accueillir "sa" Coupe du monde a été mis à l’index.
Emboîtant le pas au "Guardian", les ONG tels Amnesty International ont également rendu des rapports épinglant l’émirat. Devant l’émotion générale, le Qatar semble avoir pris la mesure du problème. En mai dernier, les autorités ont promis l’annulation du fameux système de la "kafala", ce contrat de sponsoring commun aux pays du Golfe qui est à la base du rapport de sujétion entre les ouvriers et leurs employés.
Cette annonce de l’annulation de la "kafala" est d’une portée considérable car c’est la première fois qu’un État de la région décide de bannir un système vieux de plusieurs décennies et qui leur permet "de verrouiller le système". La mise à exécution de cette réforme devrait se faire selon les dispositions d’une loi-cadre dont les contours sont actuellement en discussion auprès de la Chambre de commerce du gouvernement qatari. Sa promulgation devrait avoir lieu courant 2015.
Tribune également publiée sur le site Le Plus-Nouvel observateur : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1252438-mondial-de-foot-2022-au-qatar-ete-ou-hiver-3-points-qui-empoisonnent-la-competition.html