Dans le même élan, c’est l’Egypte qui a déclaré hier sa décision de ne pas s’engager dans les championnats du monde de natation en petit bassin qui auront lieu dans l’émirat gazier le mois prochain. Si les Emirats arabes unis et le Bahreïn sont restés vagues sur les motivations de leur décision, la Fédération égyptienne a clairement fait mention du ressort politique de son choix. « La décision a été prise en raison des positions politiques du Qatar vis-à-vis de l'Egypte depuis la révolution du 30 juin 2013 » a ainsi déclaré le chef de la fédération Yasser Idriss.
« Guerre froide du Golfe »
Il apparait clairement que la « guerre froide » du Golfe qui clive les relations politiques entre les six monarchies du Conseil de coopération du Golfe (CCG) déplace dorénavant son champ d’action sur les terrains de sport. On aurait pu penser que cette querelle allait se cantonner dans l’arène diplomatique et d’aucuns voyaient même une forme de détente se profiler à l’horizon. Il n’en est rien. Les annonces des différentes fédérations apparaissent comme des mesures de rétorsion de régimes qui vouent une animosité envers Doha. L’Arabie saoudite mais surtout l’Egypte et les Emirats arabes unis semblent déterminés à mettre en place une politique « d’encerclement » afin d’isoler le Qatar sur la scène internationale. Après le boycott diplomatique décidé en mars dernier avec le retrait des ambassadeurs de Riyad, Manama et Abou Dhabi de la capitale qatarie, on passe donc à une autre phase qui glisse vers une dangereuse manipulation du champ sportif.
Excédés par l’activisme de Doha dans la séquence historique ouverte avec l’irruption des « Printemps arabes », le trio composé par l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et l’Egypte font feu de tout bois pour forcer le Qatar à rentrer dans le rang. Cette « guerre froide » du Golfe, latente depuis le début des révoltes arabes, a pris une tournure beaucoup plus explicite avec le coup d’Etat militaire qui a renversé le président élu Mohamed Morsi en juillet 2013. Soutenu et financé par Riyad et Abou Dhabi, le nouveau régime égyptien entretient des relations orageuses avec le Qatar qu’il accuse d’être la base arrière de sa bête noire, le mouvement des Frères musulmans. Si Doha ne fait pas mystère de son accointance avec la confrérie, les autorités du Qatar mettent en avant la légitimité populaire et constitutionnelle d’une formation qui a été portée au pouvoir par le peuple égyptien dans le cadre d’un processus démocratique.
Pour les alliés saoudiens et émiriens du régime égyptien, la posture de Doha menace leur leadership dans la région et les pressions pour contraindre le Qatar à adopter un profil bas se font de plus en plus pressantes. C’est pour soulager cette pression que le Qatar a implicitement demandé à plusieurs cadres des Frères musulmans de quitter son territoire en septembre dernier. Cette mesure semble ne pas avoir contentée ses rivaux et il faut donc replacer les décisions des fédérations sportives du Bahreïn, des Emirats et de l’Egypte dans le cadre d’un renforcement de mesures punitives.
Le sport en otage
Il y a fort à parier que cette montée des périls entre les monarchies du Golfe connaisse d’autres remous. Particulièrement décidés à ternir la réputation du Qatar, les Emirats arabes unis ont même été jusqu’à financer certaines officines américaines afin d’alimenter « le Qatar-bashing ». Cette campagne de diabolisation regroupe aujourd’hui, comme le rappelait un article du New York Times, des acteurs aussi divers que les voisins immédiats du Qatar, l’Egypte et même Israël qui a Doha dans son collimateur du fait du soutien avéré de l’émirat au Hamas. L’une des conséquences de ces campagnes de communication financées à coups de millions de dollars est de jeter la suspicion sur le Qatar comme étant un Etat à la diplomatie douteuse et dont la duplicité cacherait un financement de groupes terroristes qui ensanglantent le Moyen-Orient.
Les implications de ces charges diplomatico-médiatiques à répétition est que le Qatar, en dépit de ses dénégations, se trouve aujourd’hui sur la sellette. Il n’est pas jusqu’à Sepp Blatter qui aurait affirmé que Doha ne mériterait pas d’organiser le Mondial du fait de son attitude ambiguë envers l’Etat islamique. Cette déclaration, rapportée par le quotidien allemand Der Spiegel, a depuis été démentie par la FIFA mais sa « fuite » démontre l’ampleur et la nature des allégations dont le Qatar est régulièrement la cible. C’est de même, à la lumière de ces offensives, qu’il faut certainement interpréter la décision de la compagnie aérienne Emirates de mettre fin à son contrat de sponsoring avec la FIFA. Raison invoquée? Les polémiques induites de l’organisation du Mondial 2022 au Qatar qui nuiraient à son image… Nul doute que nous sommes qu’au début d’une longue séquence de règlements de compte qui, malheureusement, prend le sport en otage.