Le 29 novembre 2012, soit douze mois après son arrestation, Ibn al-Dhib comparaît sous trois chefs d’inculpation: "incitation au renversement du régime, insultes de l'émir et diffamation du prince héritier Tamim ben Hamad al-Thani" (qui depuis est devenu émir en juin 2013) et "atteinte à la Constitution". La peine est particulièrement lourde puisque le tribunal prononce la réclusion à perpétuité. L’appel, survenu en février 2013, réduit la sentence à quinze années de prison. Cet arrêt a été confirmé par la Cour de cassation le 20 octobre 2013. Particulièrement lourde, cette décision a provoqué un tollé international et reste pointée du doigt par les organisations de défense des droits de l’Homme. Le seul recours de Mohammed al-Ajami est désormais de faire appel à la clémence de l’émir.
Un procès contesté et entaché d’irrégularités
Depuis le début de l’instruction, l’avocat du plaignant, Néjib al-Naïmi fustige la manière avec laquelle son client a été traité. Les manquements à la procédure n’ont visiblement pas manqué : audiences secrètes, faux témoignages et composition du tribunal contraire au code de procédure pénal. Malgré ses nombreuses réclamations, Néjib al-Naïmi qui n’est autre que l’ancien ministre de la Justice du Qatar et un des avocats ayant défendu Saddam Hussein, a vu ses demandes de libération rejetées. Pour la défense de leur ami, les partisans d'al-Ajami avancent que la récitation du poème a été faite lors d'un rassemblement privé et postée sur YouTube à son insu.
Du côté de l’accusation, on insiste sur le fait que le poète s’est comporté de manière arrogante et a même rejeté l’autorité du président du tribunal au motif que ce dernier était noir et Soudanais. De son côté, Néjib al-Naïmi a déclaré lors d’une interview accordé au quotidien en ligne Doha News qu' "il n'y a pas de preuves pour affirmer ces accusations. "Il n'a insulté personne et il n'a rien fait de mal" a-t-il insisté.
Le Haut Commissariat aux Droits de l’homme monte au créneau
Trois rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont publié une déclaration le 20 octobre 2015 dans laquelle ils assurent que ce procès a été entaché d'irrégularités. Ils ajoutent que la procédure a été non conforme avec les normes internationales qui protègent la liberté d'expression et qu'al-Ajami n’a pas bénéficié d’un procès équitable. En 2013, le Haut Commissariat aux Droits de l’homme (HCDH) avait exprimé ses inquiétudes sur la sévérité de la peine en ajoutant avoir de sérieux doutes sur l’équité du procès. L'instance avait aussi déploré les nombreux mois passés par Ibn al-Dhib à l’isolement. Le HCDC appelle enfin au respect des libertés fondamentales et demande instamment aux autorités qataries la libération immédiate du détenu. De son côté, Khalid ben Jassim al-Thani, directeur du service des droits de l’homme dépendant du ministère des Affaires étrangères a défendu son pays dans la gestion de cette affaire. Il a affirmé que "son procès a été menée conformément aux normes internationales," en ajoutant que la condamnation est basée sur "la libre conviction et les preuves légitime présentées devant la Cour."