Le Qatar, premier investisseur à Gaza
Sa déclaration faite à Jérusalem devant un groupe de juristes indique la portée de l’assistance que Doha consacre à l’étroite bande de terre. Depuis l’épisode meurtrier engagé par l’armée israélienne à l’été 2014, le petit émirat est en effet le pays arabe qui a consenti au plus grand effort en matière d’aide financière. Cette contribution à la reconstruction qui se chiffre en centaine de millions de dollars d’après la Banque mondiale est indispensable pour éviter à Gaza un effondrement de ses infrastructures. Elle porte tant sur la construction de logements neufs (comme à Khan Younes), que sur la réhabilitation de l’université de Gaza ou la création d’unités médicales traitant de cas spécifiques comme les maladies rares ou les handicapés.
Cependant, l’évolution des rapports de forces dans la région et les fortes turbulences consécutives à la décision de plusieurs pays arabes de rompre leurs relations avec le Qatar pourrait compliquer la situation. En effet, le pouvoir putschiste égyptien, en pointe dans la dénonciation du régime qatari et qui participe avec Israël à un blocus drastique de la bande de Gaza, pourrait davantage serrer la vis en interrompant tout acheminement d’aide de Doha à destination du million et demi de civils palestiniens. En outre, acculé à faire des « concessions » afin de calmer les ardeurs de ses voisins déterminés à le faire plier, le Qatar pourrait être tenté de « lâcher » indirectement le Hamas et réduire son soutien dans une manoeuvre provisoire destinée à faire baisser la pression qui pèse sur lui.
Si elle venait à se concrétiser, cette évolution sonnerait comme un cauchemar étant donné l’importance cruciale de l’aide qatarie synonyme de perfusion pour une bande de Gaza en lambeaux. C’est pour rappeler l’urgence de maintenir cette contribution et remercier les autorités de Doha que des rassemblements ont récemment été organisés dans divers endroits de la bande de Gaza pour protester contre la décision « injuste » de l’Arabie saoudite, des Emirats et du Bahreïn de mettre au ban leur petit voisin. Mais indice que la situation politique à Gaza déplait à ce trio du Golfe, les Gazaouis ont pour la troisième année consécutive été interdits d’effectuer la Omra et le Hadj (petit et grand pèlerinage). La cause? Le blocage persistant du côté égyptien et le peu d’empressement de Riyad à trouver une issue. Pire, l’actuelle équation stratégique du Golfe est de nature à ravir Israël dont le gouvernement s’apprête à renforcer les liens économiques avec Riyad et Abou Dhabi avec comme objectif final, « de liquider la cause palestinienne » comme l’a récemment fait remarquer le journaliste Jonathan Cook.
Un risque d’effondrement
Aujourd’hui, plus des deux tiers de la population palestinienne est dépendante de l’aide humanitaire internationale. Signe des temps, alors que le période de Ramadan est propice à une augmentation de l’activité économique et de la consommation, les foyers gazaouis ne bénéficient que de deux heures d’électricité par jour alors même que la chaleur étouffante de l’été rend indispensable le branchement de climatiseurs.
À part le Qatar qui avait promis un milliard d’aide pour la reconstruction de Gaza lors de la conférence du Caire de novembre 2014 (de loin, la plus grande contribution des pays donateurs), deux autres pays du Moyen-Orient s’impliquent pour soulager ce marasme : la Turquie et l’Iran. Si Ankara a toujours eu de bonnes relations avec le pouvoir en place à Gaza, la recomposition des alliances régionales devrait permettre à Téhéran de renforcer sa présence sur le territoire palestinien. Et ce, malgré les récentes tentatives du Hamas de policer son armature idéologique à destination de opinions occidentales avec la sortie de sa nouvelle charte. Mais de l’avis de nombreux observateurs, cette opération de communication n’a pas semblé emporter l’adhésion des chancelleries occidentales.