Suite à cette annonce, des Qataris ont demandé plus de détails sur la situation de leurs concitoyens à leur ministère des Affaires étrangères qui a tenté, non sans mal, de les rassurer. Bien qu'il n'ait pas voulu confirmer si des Qataris avaient été récemment arrêtés pendant leurs vacances aux Emirats, le ministère s’est contenté de publier un bref communiqué pour le moins ambigu : il a déclaré que « le Consul Général du Qatar à Abou Dhabi avait rencontré le commandant en chef de la police de Dubaï cette semaine pour discuter des relations bilatérales et des moyens de les développer dans tous les domaines. » Ce communiqué a provoqué un malaise sur les réseaux sociaux où le ton est monté. Certains n’ont pas hésité à parler de « prise d’otages » tout en se demandant pourquoi les noms de trois personnes n’ont pas été divulgués. Les autorités ont dû rétorquer pour calmer les réactions que « l’État n'a jamais abandonné son peuple et prendra toutes les mesures nécessaires par les voies légales et diplomatiques ».
La presse émiratie est également montée au créneau. Mercredi, le quotidien proche du gouvernement, Al Khaleej a vigoureusement critiqué le quotidien qatari Al Arab en rejetant ces allégations et en affirmant qu’il ne s’agissait pas de touristes mais bien « de responsables du renseignement qatari qui opéraient sur le sol émirati ». Il a ajouté que « ceci est la preuve que le Qatar refuse de prendre au sérieux le respect de ses engagements de ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures de ses voisins, violant ainsi l'accord de Riyad signé au début de cette année ». Répétant tout haut ce que les autorités émiraties pensent tout bas, il a souligné que « le Qatar doit se prononcer sans réserves et faire preuve de sérieux dans l'application de ses politiques étrangères que ce soit dans les pays du Golfe ou dans tout autre pays arabe plutôt que d'opter pour des méthodes sournoises qui ont érodé la confiance à cause de sa politique opportuniste. » L’allusion fait ici référence au soutien de Doha aux Frères musulmans, organisation considérée comme menaçante pour la sécurité et la stabilité des Emirats arabes unis.
Finalement, c’est sur fond de vives tensions sur la toile que le ministère qatari des Affaires étrangères a annoncé hier, dans un communiqué, l’arrestation de deux de ses ressortissants. Hamad Ali al-Hammadi et Youssef Abdel Samad al-Molla ont été arrêtés le 27 juin à Gueifait, poste frontière entre les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite. Leur arrestation a été signalée par leurs familles et une plainte a été déposée. L'ambassadeur du Qatar à Abou Dhabi a été chargé de s'enquérir de leur sort. Les autorités émiratis n'ont pas officiellement informé leurs homologues qataris de l'arrestation des deux Qataris, ajoute encore le communiqué.
Depuis l’emprisonnement d’un médecin qatari Mahmood Al Abdulrehman Jaidah, condamné à sept ans de prison à Abou Dhabi, la tension ne cesse de monter entre les deux pays. Les Qataris estiment cette condamnation non fondée et pensent que les Emirats font payer à Mahmood Al Abdulrehman Jaidah, qui subit de mauvais traitements en prison, leurs divergences sur plusieurs dossiers régionaux, en particulier sur l’Egypte. Condamné pour avoir collecté des fonds au profit des Frères musulmans, le procès du médecin présente de nombreuses irrégularités et a été dénoncé par Amnesty internationale.
Le 5 mars dernier, l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et Bahreïn avaient rappelé leurs ambassadeurs à Doha, geste sans précédent depuis la création du Conseil de la Coopération du Golfe (CCG) en 1981.
Le Qatar était accusé par ses voisins de soutenir des personnes proches des Frères musulmans dont des dizaines ont été condamnés à la prison aux Emirats arabes unis et qui sont considérés comme "organisation terroriste" par Riyad. Cette énième crise n’est qu’une nouvelle illustration du profond clivage qui traverse les pétromonarchies. La « guerre froide » du Golfe dont l’une des principales pommes de discorde concerne le positionnement face au vent de changement qui balaie le monde arabe - particulièrement en Egypte-, risque donc de se prolonger encore longtemps.