Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Israël a lancé depuis hier une nouvelle campagne de communication destinée à présenter le Hamas comme une organisation qui serait la sœur de l’Etat islamique ou de Boko Haram. Diffusé sur le compte Twitter du Premier ministre israélien ainsi que sur celui des différentes ambassades d’Israël à l’étranger, des messages postés avec des images de militants du Hamas aux côtés de ceux des deux autres mouvements sectaires ont inondé la Toile. Ces derniers portaient l’inscription : « Vous avez entendu parler de #EI ou de #BokoHaram, mais les terroristes du Hamas semaient la mort bien avant eux ». Fait surprenant : comme le rappelle le journal 20minutes, ces tweets apparaissaient en nombre sur les actualités des utilisateurs de Twitter même si ces derniers ne sont pas abonnés aux comptes israéliens. Une sorte d’intrusion sous forme de grossière publicité. Il n’y a donc guère de doute que Tel Aviv a consenti de gros efforts techniques et financiers afin d’inonder les réseaux sociaux par une campagne publicitaire devant présenter le Hamas sous un visage le plus noir puisqu’il était assimilé aux mouvements terroristes qui suscitent effroi et indignation. Le timing était donc bien tout trouvé : il fallait, au moment où la justice européenne rendait un avis favorable au Hamas, vider de sa substance cette décision par une contre-attaque aussi funeste que manipulatrice.
En tous cas, le Mouvement de la résistance islamique (qui est la signification de Harakat al mouqawama al islamiya, l’acronyme du Hamas) s’estime soulagé de cette décision du Tribunal européen. Même si elle ne règle pas tout (le Tribunal n’a pas jugé sur le fond et les avoirs du Hamas en Europe continuent à être gelés), il est toujours important de signaler cette avancée. Rappelons que le Hamas qui vient de fêter ses 27 années d’existence a remporté les élections législatives en janvier 2006 et qu’il a depuis été boycotté par les puissances occidentales, ces dernières ne reconnaissant pas la légitimité d'une formation pourtant démocratiquement choisie par le peuple palestinien dans le cadre d'élections libres et transparentes. Une partie de la direction du mouvement est aujourd’hui établie au Qatar qui héberge nombre de ses dirigeants (dont le chef du bureau politique Khaled Mechaal) et finance une grande partie de ses infrastructures. Cet appui financier et diplomatique de Doha a suscité le courroux d’Israël qui s’est promis de se venger en impulsant une campagne de dénigrement à l’égard du pays. Lors des crimes de guerre commis par l’armée israélienne cet été, le ministre israélien des Affaires étrangères avait même plaidé pour l'interdiction de la chaîne Al Jazeera et Shimon Peres s’était fait l’écho de la colère d’Israël concernant les agissements du petit émirat en faveur de la résistance palestinienne. Cette fixation d'Israël ne semble pas avoir fait reculer le Qatar qui a récemment promis de verser la somme d'un milliard de dollars à la reconstruction de Gaza ce qui en fait la plus grosse contribution des pays donateurs.
Enfin, il est bon de rappeler que le Hamas est, même s'il reste décrié auprès d'une partie des élites occidentales, considéré comme légitime par de nombreux penseurs. L'une des personnalités qui a le plus marqué la vie politique et intellectuelle française, l'ancien diplomate et militant des droits de l'homme Stéphane Hessel, s'était rendu à Gaza en 2010 pour protester contre le blocus illégal et inhumain qui infligeait à la population civile une punition collective incompréhensible. Stéphane Hessel avait même rencontré le Premier ministre palestinien Ismael Haniyeh et considérait l'isolement du Hamas comme contre-productif.